Jean Geronimo

Oщ va la Russie ? Moscou, а la recherche d’une identitй post-soviйtique

"La Russie aura un niveau d'armement tel que personne n'aura l'idйe de menacer notre pays ou nos alliйs."1 D. Medvedev Prйsident de la Fйdйration de Russie 10/09/2009

La fin de la Guerre froide a prйcipitй la chute du communisme soviйtique, tombй en 1991, dans les oubliettes libйrales de l'histoire. Dans le mкme temps, cette chute finale a йtй le point de dйpart d'une renaissance de la Russie post-communiste, aprиs une phase de transition "libйrale", particuliиrement dйlicate - sous l'impulsion de B. Eltsine - qui l'a affaiblie et aggravй, in fine, un trouble identitaire.

Aujourd'hui, la Russie de D. Medvedev a quasiment achevй sa reconstruction йconomique et politico-psychologique. Mais sa rййmergence comme puissance internationale majeure n'est pas toujours acceptйe, notamment par le leadership amйricain, qui a pris le contrфle de la destinйe du monde depuis la lutte implacable contre la menace communiste - perзue comme "l'axe du mal" - et, en cela, imposй son unilatйralisme dans la gouvernance mondiale. La lutte Est/Ouest aurait, en quelque sorte, lйgitimй l'hйgйmonie internationale de Washington, comme leader incontestй et messianique du monde libre. Par la suite, sous l'impulsion de l'idйologie nйo-conservatrice expansionniste de G.W. Bush, elle a entrepris de rйhabiliter le "facteur force" comme rйgulateur gйopolitique, en rйarmant le bras de la justice internationale et en relanзant, par ce biais, la course aux armements2.

Face а cette rйsurgence de l'impйrialisme politico-militaire amйricain et se sentant menacйe, Moscou a йtй contrainte de recentrer son systиme de dйfense sur l'arme nuclйaire - pour se protйger d'une Otan de plus en plus agressive а sa proche pйriphйrie comme l'a montrй, en 1999, le scйnario yougoslave avec l'attaque et la dйstabilisation d'un Etat souverain. En violant allиgrement la rйsolution 1224 du conseil de sйcuritй de l'ONU sur l'intйgritй territoriale de la Serbie, l'Otan - sous la bienveillance de Washington - montre alors qu'elle est au dessus des lois internationales et que sa capacitй d'intervention s'est йlargie а l'ancien espace communiste. Et son йlargissement programmй est susceptible d'accroitre les tensions avec la Russie, comme le reconnait D. Medvedev : "L'OTAN devrait йviter d'aggraver les relations avec ses voisins. Avant d'admettre de nouveaux membres, il faut йtudier les йventuelles consйquences d'une telle dйcision (...)"3 Mais, le plus troublant est de voir, au cњur de l'espace post-soviйtique, le maintien d'une forme de conflictualitй latente amйricano-russe issue de la Guerre froide, dans la mesure oщ la Russie post-communiste reste l'adversaire stratйgique privilйgiй de l'hyper-puissance amйricaine - et inversement.

Dans son essence, la lutte amйricano-russe pour le leadership politique en Eurasie post-soviйtique n'a pas cessй avec l'arrivйe d'Obama а la prйsidence amйricaine. Cela est implicitement confirmй par Herman Pirchner, prйsident du Conseil amйricain de politique йtrangиre, qui reconnait l'existence de tensions, liйes au maintien de barriиres idйologiques et de pressions amйricaines sur la politique russe dans les ex-rйpubliques soviйtiques. Le 9/09/2009, il admet notamment que "les disputes sur les destinйes de l'espace post-soviйtique entravent la coopйration sur plusieurs questions d'intйrкt commun"4. Car dйsormais, Washington doit assumer ses nouvelles responsabilitйs issues de son avancйe en zone post-soviйtique permise, а l'origine, par le recul russe. Et cette configuration explique la radicalisation d'une lutte d'influence centrйe sur le contrфle d'un espace stratйgique.

Ainsi, la Russie moderne cherche а retrouver sa place dans le systиme des relations internationales contre une certaine forme de mйfiance, voire d'hostilitй de la part du bloc libйral occidental, qui continue а voir en elle l'hйritiиre de la puissance communiste. Et sa montйe en puissance fait d'autant plus peur que de facto, elle remet en question l'influence de la puissance amйricaine en Eurasie post-soviйtique - principalement en zones caucasienne et centre-asiatique, oщ de gros intйrкts politiques, militaires et йnergйtiques sont en jeu. Autrement dit, son retour remet en cause les fondements mкme du nouvel ordre international libйral, dirigй par Washington et au-delа, menace de multilatйraliser ce dernier. Un enjeu sous-jacent au retour russe est donc le nouveau statut de Moscou sur la scиne internationale qui, dans ses grandes lignes, sera fonction de sa capacitй а reprendre en main l'espace post-soviйtique - autrement dit, а recouvrer une certaine lйgitimitй dans son ancienne zone de domination impйriale, que la stratйgie amйricaine visait, jusque lа, а йroder.

De ce point de vue, il serait opportun de s'interroger sur la capacitй de Moscou а se dйfinir une nouvelle identitй post-soviйtique, intйgrant les principales йvolutions gйopolitiques issues de la faillite du communisme. Et, en dйfinitive, de se poser une question centrale et redondante : oщ va la Russie ?

A la recherche d'un statut post-impйrial

La disparition de l'URSS5, le 25 dйcembre 1991 - avec la dйmission du premier (et dernier) prйsident soviйtique, Mikhaпl Gorbatchev - a provoquй une profonde rupture psychologique, au cњur du peuple russe et de ses йlites dirigeantes. La Russie, brusquement, a perdu son statut de superpuissance de la Guerre froide pour devenir une simple puissance rйgionale, menacйe а sa proche pйriphйrie par des Etats politiquement instables, donc potentiellement hostiles. Et ce dйclin gйopolitique a йtй d'autant plus douloureux que la puissance russe a йtй considйrablement fragilisйe par une politique constante de dйstabilisation menйe, depuis les annйes 60, par l'Amйrique - sous la houlette de Z. Brzezinski6. La chute du communisme a йtй une opportunitй pour la puissance amйricaine de renforcer son monopole de la rйgulation mondiale et par ce biais, son unilatйralisme armй. Selon la vision amйricaine, la Russie reste un facteur d'incertitude, donc de menace latente pour le monde - ce qui implique la vigilance de l'Amйrique. Dans cet axe, R. Kagan, un des leaders du courant nйo-conservateur amйricain, a confirmй qu'il йtait "vital d'avoir une Amйrique forte, voire toute puissante, pour le monde et surtout, pour l'Europe"7 - notamment, au regard des rйcentes vellйitйs russes. La phase post-communiste coпncide donc avec la refondation identitaire d'un nouvel Etat russe contraint de redйfinir ses intйrкts nationaux et, а terme, son positionnement sur la scиne internationale. Il s'agit alors pour Moscou de passer а une vision moins idйologique des relations internationales et, de faзon plus globale, de dйfinir son statut post-impйrial

Toutefois, l'hйritage soviйtique continue d'exercer une certaine influence sur l'orientation de la pensйe stratйgique russe, qui intиgre les menaces militaires et politiques d'Etats structurellement opposйs а ses intйrкts en pйriphйrie post-soviйtique et in fine, dotйs d'une autre vision du monde. Aujourd'hui, Moscou aspire а la revanche et perзoit sa marginalisation internationale comme une sanction de sa dйfaite idйologique de la Guerre froide. Car comme l'a rappelй Alexandre Zinoviev, ancien dissident soviйtique, la chute du communisme soviйtique "est la plus grande victoire de l'Occident"8. Et de maniиre officielle, elle regrette que les "vestiges" et le "fardeau du passй" continuent de grever ses relations avec l'Occident, principalement avec l'Amйrique9. Estimant avoir trop reculй depuis la transition post-communiste10, la Russie s'efforce de dйfendre ses intйrкts de puissance eurasienne et d'achever sa restructuration identitaire sur la scиne internationale, contre le leadership amйricain et les prйtentions politiques de l'Occident qui reste, selon l'expression d'I. Facon, "une source de menaces rйcurrentes"11. Car en dйpit de l'inflexion politique impulsйe par le prйsident Obama, accusй par les nйo-conservateurs de "trahison idйologique"12 - en violant les principes fondamentaux de la politique extйrieure amйricaine - Moscou perзoit une certaine hostilitй а son йgard et surtout, а son retour comme grande puissance. Dans son essence, cette hostilitй inertielle du bloc occidental tend а s'exprimer par l'instrumentalisation de l'Otan comme levier de compression d'un nouvel "impйrialisme russe". Cette fonction politique de l'Otan est reconnue, sans ambages, par le stratиge "rйaliste" de la Guerre froide, Henry Kissinger : "L'Otan est par dйfinition une alliance militaire, dont l'un des objectifs est de protйger l'Europe contre une Russie qui serait tentйe par une nouvelle aventure impйriale"13.

Dйsormais, la Russie vise а renforcer ses positions dans le monde par une reprise en main de l'espace post-soviйtique - dont les Etats sont ses "alliйs naturels" - et l'insertion de cet espace dans son projet de puissance. Or face а la volontй de Moscou de retrouver son influence perdue, le vice-prйsident amйricain, J. Biden, a affirmй le 23/07/2009 - en guise d'avertissement - qu'au 21° siиcle, "la thйorie du partage du monde n'йtait plus de mise", autrement dit, que la Russie devait abandonner ses vieux reflexes impйriaux de l'йpoque communiste14. Dans son ouvrage, "L'Amйrique face au monde", Z. Brzezinski est convaincu du maintien de la volontй impйriale russe. Il rappelle que durant les 4 derniers siиcles, la ligne directrice de la Russie se rйsume par "une expansion impйriale а partir d'un centre bien dйfini pour crйer un Etat multinational"15. Et surtout, il est persuadй que V. Poutine n'a pas "admis l'impossibilitй de recrйer le vieux systиme impйrial"16, illustrant selon lui, "la rйsistance de l'ordre soviйtique"17. Pour cette raison, Brzezinski prфne le maintien d'une politique de contrфle de la puissance russe et d'йrosion de son pouvoir en zones caucasienne et centre-asiatique, que celle-ci s'efforce de prйserver, quel qu'en soit le prix. A terme, selon A. de Tinguy, il s'agit pour Moscou d'utiliser "les moyens dont elle dispose pour essayer de contrфler les йvolutions dans l'espace post-soviйtique"18. Car, avide de rйhabiliter une certaine "idйe russe", Moscou veut dйsormais apparaitre comme un Etat leader au sein de son espace historique - en dйpit de l'activisme politique amйricain - et surtout, dйsireux de s'y faire (а nouveau) respecter.

Dans ce cadre, la dйfense des intйrкts russes а l'йtranger devient une prioritй de la politique extйrieure, rйitйrйe par le prйsident Medvedev, le 24/07/2009 : "il faut кtre capable de riposter en cas de difficultйs. Parfois de faзon trиs ferme. Mais uniquement si les intйrкts de nos concitoyens sont menacйs"19. Dans sa mise en garde, Medvedev se rйfиre, de maniиre implicite, а la crise gйorgienne d'Aout 2008, lorsque l'armйe russe a dы intervenir pour protйger ses ressortissants d'un vйritable massacre. Mais plus globalement, il redoute la rйpйtition d'un tel scйnario en zone post-soviйtique. Cela a amenй Moscou а revendiquer un droit de regard et d'intervention dans sa sphиre d'influence, lorsque ses intйrкts vitaux sont menacйs. Or, le 27/07/2009, la secrйtaire d'Etat Hillary Clinton dans une interview au Wall Street Journal, a trиs clairement rappelй а la Russie qu'elle ne devait plus chercher а "imposer sa volontй" aux Etats issus de l'ex-URSS, au nom de son rфle passй dans la sphиre soviйtique - que Moscou viserait, selon elle, а rйtablir20. Dans le mкme temps, la Russie prфne un rййquilibrage des relations internationales qui implique, par essence, son renforcement comme centre d'influence, un rфle plus grand de l'ONU et in fine, une rйforme des institutions financiиres du FMI (Front monйtaire international) et de la BM (Banque mondiale), en vue d'accroоtre l'influence des puissances йmergentes du type BRIC (Brйsil, Russie, Inde, Chine). Ce faisant, en revendiquant le retour d'une gouvernance mondiale multipolaire, elle remet de facto en cause l'unilatйralisme amйricain.

L'hйritage soviйtique

Tendanciellement, la Russie post-communiste continue а se penser comme puissance mondiale (donc "globale") et pour cette raison, s'appuie sur le noyau dur de sa conception stratйgique structurйe sous le rйgime soviйtique - а partir d'une politique d'influence dans son proche йtranger. Thomas Gomart revient sur cet aspect inertiel de la pensйe stratйgique russe : "Nйo-impйriale pour les uns, post-impйriale pour les autres, la fйdйration de Russie n'a nullement renoncй а exercer une influence pour promouvoir ses intйrкts nationaux. Se pensant et se voulant mondiale, elle englobe dйsormais son 'йtranger proche' dans une politique ambitieuse destinйe а renforcer ses positions sur la scиne internationale"21. En outre, dans le prolongement du soviйtisme, la Russie moderne - en tant que systиme social - est caractйrisйe par un instinct de survie surdimensionnй, qui l'a conduit а privilйgier les contraintes sйcuritaires dans sa politique extйrieure. En ce sens, la stratйgie russe est emprunte d'une forte inertie soviйtique.

Le poids du soviйtisme dans la structuration de l'identitй russe reste sensible, car c'est sous le rйgime communiste que Moscou a existй en tant que puissance majeure, redoutйe et respectйe dans le monde. Et c'est principalement sous ce rйgime que la Russie a йtй considйrйe comme puissance йgale а l'Amйrique et, en cela, capable de faire contre-poids а son pouvoir hйgйmon22. Avec justesse, G. Bensimon a ainsi affirmй que "la ligne historique du capitalisme n'a traversй ce pays que sur une pйriode relativement brиve, et elle n'y a pas йtй dominante. Les rapports communistes y sont bien ancrйs, le pays est massif, et si sa vocation historique est d'кtre une puissance mondiale, c'est incontestablement grвce au systиme communiste qu'elle l'a rйalisйe"23. Jusqu'en 1991, ce rфle spйcifique de la Russie communiste a rendu possible une forme d'йquilibre des puissances, structurellement opposйes dans une implacable lutte Est/Ouest, mais neutralisйes selon une logique de dissuasion nuclйaire "no first use" - rendant impossible toute premiиre frappe. Car toute amorce de conflit nuclйaire serait suicidaire, donc irrationnelle. Cela a йtй soulignй par M. Gorbatchev : "La guerre nuclйaire est insensйe ; elle est irrationnelle. Il n'y aurait ni vainqueurs, ni vaincus dans un conflit nuclйaire gйnйralisй : la civilisation mondiale pйrirait inйvitablement. Ce serait un suicide (...)"24. Arkadi Brich, directeur scientifique d'honneur de l'Institut russe d'automatique, qui a participй а la crйation de la bombe nuclйaire soviйtique, est persuadй que l'existence de cette derniиre a permis d'йviter une troisiиme guerre mondiale, inaugurant en quelque sorte une forme de "paix froide"25. Et en ce sens, la Guerre froide a eu une fonction rйgulatrice implicite dans la stabilitй mondiale, empкchant l'йmergence de micro-conflits potentiellement menaзants pour cette derniиre. Une paix idйologique, en quelque sorte.

De ce point de vue, la fin de la Guerre froide est une variable explicative majeure de l'instabilitй gйopolitique actuelle, doublement nourrie par la montйe des revendications ethno-religieuses et par le retour des mouvements nationalistes - notamment en Eurasie post-communiste. Car cet йquilibre (nuclйaire) de la terreur - entre l'Est et l'Ouest - surdйterminй par l'idйologie, aurait de facto agit comme un verrou sur les tensions potentielles. La spйcificitй de ce contexte gйopolitique explique, dans le cas soviйtique, la primautй de la politique extйrieure sur la politique intйrieure26, dans la mesure oщ cette derniиre est totalement subordonnйe а l'impйratif de survie idйologique d'un rйgime structurellement menacй - et encerclй - par le bloc occidental. Gorbatchev, dans son ouvrage-rйfйrence, "Perestroпka", rappelle cette mйfiance naturelle de la Russie face а la puissance militaire de l'Occident : "Nous ne pouvons oublier qu'avant l'иre nuclйaire, l'occident a plus d'une fois opйrй des incursions sur notre territoire. Et le fait que toutes les manњuvres militaires de l'Otan comportent invariablement des scйnarios offensifs envers nous n'est t'il pas en soi йloquent ?"27. Or depuis la transition post-communiste, la stratйgie amйricaine - sous la direction des Bush, pиre et fils - a rйactivй les vieux "reflexes" soviйtiques de l'йlite dirigeante russe et consolidй, selon J.P. Romer "un sentiment autrement plus profond et permanent chez les russes : celui de l'encerclement par les puissances potentiellement hostiles, qui a constituй une constante dans l'histoire de la Russie."28 La peur de la menace extйrieure est donc profondйment ancrйe dans l'inconscient russe et par ce biais, dans la rationalitй dйcisionnelle de l'йlite dirigeante. En ce sens, l'expansion impйriale russe - initiйe sous le tsarisme - a une visйe fondamentalement dйfensive, destinйe а crйer une zone-tampon et relayйe, plus tard, par l'idйologie soviйtique.

Un trait systйmique du communisme soviйtique est sa vocation а йtendre son idйologie messianique а l'йchelle planйtaire, comme l'a rappelй Lilly Marcou : "Le communisme, phйnomиne planйtaire qui se confond avec le XX° siиcle par sa prйsence prйdominante sur toutes les scиnes politiques, fut avant tout une idйologie а vocation internationaliste, soutenue par un mouvement mondial institutionnellement structurй."29 Dans le cas de l'URSS, cette expansion - qui rйpond а un vйritable besoin organique - visait aussi la crйation d'une zone d'influence fiable en vue de stabiliser sa domination dans son espace idйologique. Selon Alexandre Zinoviev, cette tendance organique expliquerait pourquoi l'immense Union soviйtique - au nom de sa lйgitimitй idйologique - a constituй "aprиs 1945, une grande zone d'influence en Europe de l'Est, modelant а son image cette partie du continent".30 Et une implication de cette prйgnance de l'idйologie dans la sociйtй soviйtique et la constitution de son empire a йtй de fonder la prioritй de son identitй internationale sur son identitй nationale. En derniиre instance, cela explique que la question nationale - et identitaire - en Russie ait йtй occultйe par le rфle historique d'une puissance idйologique globale, revendiquant le leadership mondial. Et cela, au nom de son combat d'avant-garde pour la libйration des peuples, car pour reprendre J.F. Soulet, les dirigeants communistes s'йtaient auto-proclamйs "hйrauts d'une idйologie intrinsиquement anti-libйrale et libйratrice"31.

Ainsi, l'hйritage soviйtique est йnorme. Non seulement il a influencй et "йduquй" la mentalitй russe dans l'esprit d'une "citadelle assiйgйe", mais il a orientй la politique йtrangиre russe (en phase soviйtique, puis fйdйrale а partir de 1992) contre un ennemi latent et politiquement opposй, la surpuissante Amйrique - symbole supйrieur de l'impйrialisme, "stade suprкme du capitalisme" selon l'expression de Lйnine32. Et au-delа, la prйgnance d'une idйologie soviйtique universaliste - axйe sur une mission mondiale - s'est imposйe а toute conscience nationale et а terme, a fini par structurer un ordre social nouveau, lui-mкme gйnйrateur d'un homme nouveau : "l'homo-soviйticus"33. Dйs 1965, Che Guevara affirmait que "Pour construire le communisme (...), il faut construire 'l'homme nouveau' "34. Celui-ci, thйoriquement soumis aux normes de l'idйologie communiste, a pour principale mission d'йtendre cette derniиre а la planиte entiиre, au dйtriment de l'idйologie libйrale qui exerce sur elle une menace permanente. Cette pression idйologique - et militaire - est une constante de la Guerre froide, forme de guerre latente entre deux ordres sociaux avides d'afficher leur supйrioritй. En dйfinitive, la survie de l'ordre social soviйtique a transformй la contrainte de sйcuritй extйrieure en une vйritable obsession pour les dirigeants russes.

Sous le rйgime soviйtique, Moscou a structurй une zone de domination idйologique, jouant un rфle sйcuritaire indйniable et s'йtendant а l'Est europйen. Mais dйs 1989, la perte des alliйs est-europйens - qui prйfigure celle des rйpubliques soviйtiques en 1991- tend а rйduire de maniиre radicale cette zone d'influence impйriale. Cela a justifiй la crйation de la Communautй des Etats indйpendants (CEI), а travers laquelle la Russie a essayй de prйserver une forme d'influence politique (et йconomique) а sa pйriphйrie sud, associйe а une fonction stratйgique (et protectrice) vitale. Dйsormais, comme le souligne sa doctrine stratйgique, la CEI fait partie de ses "intйrкts vitaux" (dont nationaux) et surtout, de son espace potentiel d'intervention. Autrement dit - dans la continuitй soviйtique - elle reste la "chasse gardйe" de la Russie post-communiste et en consйquence, la premiиre prioritй de sa politique йtrangиre. Cette prioritй a йtй explicitement prйcisйe par la nouvelle orientation stratйgique de Moscou, amorcйe а la fin des annйes 1990, d'abord sous l'impulsion de E. Primakov - ministre des affaires йtrangиres de 1996 а 1998, puis premier ministre de 1998 а 1999 - et ensuite, sous celle de V. Poutine : "Les intйrкts nationaux de la Russie rйsident dans la protection de son indйpendance, de sa souverainetй, de son intйgritй d'Etat et territoriale, dans la prйvention d'une agression militaire contre la Russie et de ses alliйs (de la CEI : jg)"35.

En 2009, la nouvelle doctrine militaire de Moscou a confirmй ce statut central de la CEI dans sa stratйgie de puissance et de recomposition identitaire issue de la phase post-communiste. Et de maniиre globale, l'efficacitй de la politique russe en zone post-soviйtique (CEI) dйterminera son futur statut international, dans la mesure oщ un contrфle renforcй de la CEI pourrait кtre utilisй par Moscou comme levier de son pouvoir dans les instituions multilatйrales et par ce biais, de son influence dans la gouvernance mondiale. Cela est mentionnй par Anne de Tinguy : "L'avenir de la Russie, de ses positions dans le monde et de son projet de puissance se joue en partie dans l'espace post-soviйtique."36 Or l'espace de la CEI est aujourd'hui au cњur d'une lutte d'influence avec l'Amйrique, avide d'affaiblir la puissance russe, dans l'optique finale de contrфler le cњur stratйgique de l'Eurasie. Autrement dit, la conflictualitй bipolaire de la Guerre froide - sous des formes certes rйactualisйes - tend а perdurer en Eurasie post-communiste.

La douloureuse transition

Au lendemain de l'implosion de l'URSS, la Russie a connu une transition politique particuliиrement difficile, grevйe par la dйsagrйgation et le retrait de l'Etat qui a affaibli la cohйsion sociale - via le dйveloppement de la prйcaritй йconomique et des inйgalitйs - et favorisй l'extrйmisme religieux, qui tend aujourd'hui а fragiliser (principalement) le Caucase nord37. Dйbut 2000, rapporte V. Fedorovski, 40% de la population vivait au dessous du seuil de pauvretй38 (contre 12,4 % en 2009, suite а la politique sociale de Poutine39). En effet, dans un pays naguиre socialiste, "oщ l'Etat se confondait avec le Parti unique, la dйsйtatisation consйcutive а la chute de l'ancien rйgime n'a fait qu'affaiblir le seul rempart qui aurait pu dйfendre les plus faibles".40 Sous le rйgime soviйtique, l'Etat-parti йtait le ciment social de la sociйtй russe, garant de son unitй. Et cette transition vers l'йconomie de marchй fut d'autant plus douloureuse pour Moscou, qu'elle l'a radicalement appauvrie et marginalisйe sur la scиne mondiale. La politique de rйforme ultralibйrale alors adoptйe par Eltsine en vue de l'intйgration de la Russie а l'йconomie mondiale a йtй perзue, par les citoyens russes, comme une trahison et comme une soumission totale au diktat amйricain. Dйsireuse d'obtenir des crйdits et la coopйration d'experts amйricains, la Russie de Eltsine s'est alors "couchйe" devant l'Occident et en dйfinitive, favorisй la progression de la puissance amйricaine en Eurasie. L'objectif clй de la rйforme йtait de dйsйtatiser et de dйrйglementer l'йconomie russe en vue de faire йmerger le marchй. Mais un autre objectif (latent) de la rйforme йtait d'йtendre l'idйologie libйrale а l'Eurasie post-soviйtique, pour repousser la Russie et mieux dйfendre les intйrкts vitaux de l'Amйrique, dans le cadre d'un ordre international idйologiquement orientй. Ainsi, R. Kagan a reconnu que "dans la mesure oщ ils croient а la puissance, les amйricains pensent que celle-ci doit servir а promouvoir les principes d'une civilisation libйrale et d'un ordre mondial libйral"41. Au final, cette "thйrapie de choc", proposйe par J. Sachs et appliquйe а la lettre par des bureaucrates incompйtents et dйconnectйs de la rйalitй locale, s'est rйvйlйe totalement inadaptйe aux conditions socio-йconomiques de la Russie, structurellement imprйgnйe de la culture soviйtique. D'autant plus que cette reforme a йtй appliquйe selon un mode de dйcision en "vase clфt". Et au regard de son impact sur le tissu socio-йconomique russe, elle a йtй dйstructurante. Suprкme incompйtence.

Associйe а une "dйcroissance йconomique " - croissance nйgative de 1994 а 199842 - la perte du statut de grande puissance a йtй douloureusement ressentie. Comme le note A. de Tinguy, la Russie "йprouvait (...) le sentiment d'avoir йtй humiliйe sur la scиne internationale. Le pays a dйveloppй une trиs forte nostalgie de la puissance perdue. Il considйrait que la reconnaissance internationale qu'il avait eue avait disparu. La sociйtй йtait en quкte d'ordre (...)"43. Ce contexte de crise a crйe, de facto, un terreau favorable au retour du mythe stalinien du complot occidental. La politique du Consensus de Washington a йtй suspectйe de vouloir maintenir la Russie dans un йtat de sous-dйveloppement relatif pour in fine, l'empкcher de se renforcer et de revenir sur la scиne internationale, en tant que puissance concurrente de l'Etat amйricain. Au passage, on remarquera que la stratйgie d'йpuisement de l'йconomie soviйtique - via la course au surarmement et l'IDS44 - conduite au dйbut des annйes 80 par R. Reagan, poursuivait le mкme objectif : affaiblir les bases йconomiques de la puissance russe pour йroder son pouvoir gйopolitique et, а terme, la dйstabiliser. Cette volontй d'accйlйrer la chute de la Russie est une constante de la stratйgie occidentale sur long terme qui, dans un premier temps - durant la Guerre froide - a йtй justifiйe par la lutte contre le communisme : "La catastrophe russe a йtй voulue et programmйe ici, en Occident", a reconnu A. Zinoviev45. Dans son essence, cette rйgression statutaire de Moscou sur le plan international a coпncidй avec une politique occidentale globalement hostile et nuisant aux intйrкts russes - comme l'attestent les manњuvres douteuses de l'Otan dans l'йtranger proche de la Russie (dans le cadre du "Partenariat pour la paix"46) et, en avril 1999, le bombardement meurtrier de l'ex-Yougoslavie (sans accord du Conseil de sйcuritй de l'ONU) dont une suite logique a йtй l'indйpendance illйgale du Kossovo, le 17 fйvrier 2008. Mais le plus inquiйtant est que cette manipulation occidentale a rйactivй l'idйe d'une "grande Albanie".

Ce renforcement de l'Otan en Eurasie post-soviйtique s'est exprimй par sa globalisation, impliquant d'abord son expansion vers l'Est - ce qui a conduit S. Lavrov, chef de la diplomatie russe, а s'interroger sur sa fonction sйcuritaire en Europe : "Je ne crois pas que cette rйsolution des questions liйes а l'expansion de l'Otan vers l'Est puisse contribuer au renforcement de la sйcuritй europйenne (...)".47 Mais ce qui inquiиte le plus Moscou est l'extension de l'Otan aux ex-rйpubliques soviйtiques - dont les prochaines cibles sont la Gйorgie et l'Ukraine, qui appartiennent а son йtranger "trиs" proche. Rйcemment, J. Biden, en visite en Ukraine, a confirmй le soutien amйricain а la volontй de ces derniиres d'intйgrer l'Otan, s'opposant en cela ouvertement а la position russe. Et le 21/07/2007, J. Biden a visй implicitement la Russie en s'adressant aux ukrainiens : "Personne n'est en droit de vous dicter quelle alliance rejoindre"48. En d'autres termes, Moscou doit abandonner ses anciennes pratiques impйriales en zone post-soviйtique et renoncer dйfinitivement а toute idйe d'ingйrence dans les affaires intйrieures d'Etats (dйsormais) souverains. Un peu plus tard, lors de son sйjour en Gйorgie, J. Biden a rйaffirmй que "Nous (les amйricains : jg) soutenons entiиrement le dйsir de la Gйorgie d'intйgrer l'Alliance atlantique et continuerons de l'aider а se mettre au niveau des normes requises"49. Dans le mкme temps, Washington a accueilli favorablement la demande d'aide militaire de la Gйorgie, qui continue а voir la Russie comme un "ennemi mortel". Dans l'optique d'adapter la Gйorgie aux normes de l'Otan, Washington a promis de coopйrer avec elle "pour maintenir ses forces armйes, l'aider а s'entraоner et а s'organiser"50. Aujourd'hui, la Gйorgie - qui continue ses provocations а l'йgard de Moscou - reзoit l'aide amйricaine par habitant la plus importante au monde, selon le propre aveu de J. Biden. Et ce dernier a rйitйrй la position amйricaine sur la nйcessitй de respecter l'intйgritй territoriale de la Gйorgie - alors que celle de l'ex-Yougoslavie a йtй objectivement violйe - tout en demandant in fine а Moscou de revenir sur sa reconnaissance de l'indйpendance des deux rйpubliques sйparatistes gйorgiennes d'Ossйtie du sud et d'Abkhazie. En rйponse, le 26/08/09, V. Poutine a affirmй que cette reconnaissance йtait "irrйvocable" et qu'il ne tolйrera "aucune tentative de revanche, ni de nouvelles aventures militaires dans la rйgion"51. En consйquence, Moscou n'a а recevoir de leзons de morale de personne, et encore moins d'une Gйorgie vindicative et allиgrement soutenue par Washington. Inutile gifle.

Cette configuration gйopolitique a alors renforcй en Russie (en proie а des crises nationalistes et sйparatistes) la peur d'une agression militaire de l'Otan, au nom d'un devoir d'ingйrence humanitaire ou du droit des peuples а disposer d'eux mкme, voire de principes dйmocratiques а gйomйtrie variable - comme dans le cas de l'ex-Yougoslavie et de l'Irak. Certains dirigeants russes ont mкme pensй que seule la dйtention de l'arme nuclйaire avait empкchй la reproduction d'un tel scйnario en zone post-soviйtique, s'insйrant dans une stratйgie plus globale de "guerre prйventive"52 contre le terrorisme, inaugurйe par le Pentagone dans les annйes 2000 et destinйe а neutraliser les menaces potentielles - au mйpris du droit international. H. Kissinger a reconnu, а propos de la guerre en Irak, qu'il s'agissait de faire comprendre "au reste du monde, que notre premiиre guerre prйventive nous a йtй imposйe par les faits et que nous cherchons а servir la cause du monde, et pas seulement nos propres intйrкts"53. De maniиre globale, le dйclin gйopolitique de la Russie post-communiste, ajoutй а son йtat de dйlabrement йconomique, social et psychologique - provoquй par l'inefficacitй structurelle des rйformes - a fait le nid d'un nationalisme anti-occidental, surtout anti-amйricain. A l'йpoque, l'impression du citoyen russe est de payer, а travers la crise systйmique, la dйfaite symbolique de la Guerre froide. Ultime humiliation.

L'impression dominante a йtй alors que les intйrкts nationaux russes - dont les actifs йconomiques et industriels - avaient йtй bradйs dans le cadre d'une douteuse procйdure de privatisation profitant d'une part, aux entrepreneurs йtrangers et d'autre part, aux oligarques russes. Mais le plus scandaleux dans cette ruine morale et йconomique de la Russie a йtй d'assister - sous la bienveillance d'Eltsine - а la naissance d'une vйritable nomenklatura capitaliste, infiltrant le pouvoir central et qualifiйe par L. Marcou de bourgeoisie moderne "compradoro-mafieuse"54. A cela s'est ajoutй un recul territorial spectaculaire, enlevant а l'Empire russe des espaces stratйgiques ou politiquement importants - porteurs des racines europйennes de la Russie - tels que les ex-rйpubliques de Biйlorussie, de Gйorgie et d'Ukraine. Cette rupture gйopolitique, en rйactivant le "spectre du sйparatisme rйgional"55 - par ailleurs encouragй par la main insidieuse de Washington - conditionne le caractиre instable de la transition russe post-communiste.

Dans ses grandes lignes, cette instabilitй de la transition a йtй renforcйe par le dйclin du surpuissant complexe militaro-industriel, principal levier de la croissance йconomique russe depuis la pйriode soviйtique. Mais surtout, ce dйclin a, de facto, prйcipitй celui de l'armйe russe. Et en raison d'une compression abyssale du budget militaire56, souhaitйe par Washington, l'armйe russe vieillissante a йtй laissйe а elle-mкme et sa capacitй de dйfense - dont nuclйaire - a йtй considйrablement rйduite. Cette marginalisation de la composante militaire (aggravйe par l'absence d'investissement) a contribuй а nuire а l'image internationale de l'Etat russe, ancienne superpuissance de la Guerre froide et partageant avec l'Amйrique, le leadership idйologique mondial. D'autant plus que la puissance militaire est un йlйment clй du statut gйopolitique de la Russie et, dans le mкme temps, le symbole historique d'un Etat fort. Autrement dit, l'armйe est un vecteur а la fois structurant de l'identitй nationale russe et garant de la stabilitй politique du rйgime. Et en dйfinitive, ce dйclin international de la Russie eltsinienne a йtй favorisй par l'absence d'une rйelle politique йtrangиre, c'est-а-dire indйpendante et dйconnectйe de l'influence de Washington - et, en rupture avec la tradition soviйtique, incapable de s'appuyer sur le levier militaire.

Le retour russe

L'arrivйe de Vladimir Poutine, comme premier ministre de Boris Eltsine en aoыt 1999 - puis comme prйsident, а partir de mai 2000 - va coпncider avec le retour international de la Russie. Indйniablement, une prйoccupation centrale de Poutine a йtй son attachement "а la renaissance de la Russie"57. En effet, ce dernier va mettre en њuvre une reforme structurelle cohйrente et globale - sur le triple plan йconomique, politique et militaire - permettant non seulement le retour de la croissance (positive depuis 1999) - certes favorisйe par la double йvolution des cours du rouble et du pйtrole - mais surtout, le renforcement de l'Etat russe sur la scиne internationale. Dйs 2000, la Russie de Poutine affiche sa volontй de devenir un йlйment moteur - un "centre influent" - du futur monde multipolaire, en tant que "grande puissance". Ainsi, comme le prйcise alors son Concept stratйgique : "Les intйrкts nationaux de la Fйdйration de Russie dans la sphиre internationale consistent en la garantie de la souverainetй, dans la consolidation des positions de la Russie en tant que grande puissance et qu'un des centres influents du monde multipolaire (...)"58. Et, en dйfinitive, la politique de restructuration radicale impulsйe par V. Poutine a permis l'insertion de la Russie moderne au nouvel ordre international - en dйpit du frein amйricain а son admission а l'OMC.

Dans ses grandes lignes, V. Poutine a recentrй la politique йtrangиre russe d'une part, sur la dйfense de ses intйrкts nationaux, йlargis а l'espace post-soviйtique - la CEI, considйrйe comme son espace politique - et d'autre part, sur le renforcement de son influence rйgionale, pour stabiliser son йtranger proche. Et dans ce but, Poutine a axй sa politique sur le dйveloppement du complexe militaro-industriel et de la force nuclйaire et, parallиlement, sur la modernisation de l'armйe russe, trop longtemps nйgligйe par le suivisme occidental de la ligne Eltsine. Cette orientation est confirmйe par le prйsident D. Medvedev, soulignant la nйcessitй d'amйliorer la gestion opйrationnelle des troupes et de les doter "d'йquipements modernes". Selon Medvedev, "les forces armйes doivent tenir compte des menaces contemporaines, sans oublier celles qui appartiennent au passй mais persistent toujours (...)"59. On remarquera que, dans ce discours, est implicitement visйe l'hйgйmonie politico-militaire amйricaine, porteuse de menaces latentes (qui "persistent toujours") pour la stabilitй de l'espace post-soviйtique. Le 4/09/2009, le chef de la 12e direction gйnйrale du ministиre de la Dйfense, le gйnйral Vladimir Verkhovtsev, a officiellement annoncй la modernisation de l'arsenal nuclйaire russe : "Compte tenu des perspectives - y compris а long terme - du dйveloppement des troupes russes [...] il a йtй dйcidй de renouveler l'arsenal nuclйaire du pays. Il s'agit de doter les forces armйes de munitions nuclйaires aux caractйristiques techniques et tactiques amйliorйes"60. Dans cette optique, le nuclйaire redevient - dans le prolongement du soviйtisme - une source majeure de la puissance politique de la Russie fйdйrale. Ainsi, selon l'aveu du prйsident du Conseil russe pour la politique extйrieure, Sergueп Karaganov, l'arme nuclйaire constitue toujours "le fondement de l'influence politique et en partie йconomique de la Russie"61. On peut donc parler du "retour de l'Atome rouge", pour reprendre le titre d'un ancien article62 - en rйfйrence а la fonction politique de l'atome sous le rйgime communisme et а son utilisation par ce dernier comme vecteur de sa stratйgie extйrieure. Et le nuclйaire a un rфle d'autant plus vital, qu'il permet un rййquilibrage des rapports de force internationaux initialement dйfavorables pour la Russie.

Le gйnйral Makhmout Gareev, prйsident de l'Acadйmie des sciences militaires de Moscou, lors de sa prйsentation des grandes lignes de la future doctrine militaire russe, le 20 janvier 2007, a prйcisй que "pour la Russie, йtant donnй un rapport des forces qui lui est extrкmement dйfavorable sur tous les axes stratйgiques, l'arme nuclйaire demeurera capitale, le plus sыr moyen de dissuasion stratйgique d'une agression extйrieure et le plus sыr moyen de garantir sa propre sйcuritй."63 Cette fonction vitale de l'atome explique, en partie, l'opposition russe au projet amйricain d'implanter un bouclier anti-missiles dans l'Est europйen - qui neutraliserait, а un certain degrй, la puissance nuclйaire russe et sa capacitй de riposte а une premiиre frappe. Mais une raison majeure de cette opposition est le sentiment de Moscou d'кtre visйe par le bouclier amйricain - perзu par celle-ci comme un relent de Guerre froide. Sur ce point, le premier ministre russe, V. Poutine, a rйcemment affirmй que "Si nos partenaires amйricains renoncent а installer de nouveaux systиmes de combat en Europe, notamment leur bouclier antimissile en Europe, s'ils rйexaminent leur approche concernant l'йlargissement des blocs militaires ou, si а plus forte raison ils refusent totalement а de nouvelles adhйsions, ce serait un grand pas en avant"64. Globalement, а travers ce recentrage sur l'atome, il s'agit pour Moscou de revenir vers une stratйgie de projection de force, en vue d'afficher sa puissance et de dissuader toute vellйitй de puissances hostiles - percevant la faiblesse de la Russie post-impйriale en transition, comme une opportunitй stratйgique. Et cela, d'autant plus que depuis 1992, l'Occident s'est octroyй un droit d'ingйrence en zone post-soviйtique, au nom de principes humanitaires et moraux discutables ou, alternativement, d'une aide au dйveloppement politiquement orientйe.

Un autre objectif sous-jacent а l'ingйrence occidentale est le contrфle des sources et des voies de transport йnergйtiques (gaz, pйtrole) qui renforce le caractиre stratйgique de la rйgion, notamment en Asie centrale - et menace la centralitй russe sur la question йnergйtique. Le gйnйral Gareev prйdit donc, dans un proche avenir, une vйritable lutte pour les ressources : "Les facteurs йcologiques et йnergйtiques constitueront, dans les dix ou quinze prochaines annйes, la principale cause des conflits politiques et militaires." Et M. Gareev ajoute que "la lutte pour les ressources sera portйe а son paroxysme, gйnйrant une confrontation politique et йconomique. On ne peut exclure, sur ce terrain, la possibilitй d'une confrontation militaire."65 La nouvelle doctrine de sйcuritй russe - publiйe en mai 2009 - prйcise d'ailleurs que cette course pour le contrфle des sources йnergйtiques sera, а long terme, particuliиrement intense dans les zones de la Caspienne et de l'Asie centrale - devenant, par ce biais, un facteur majeur d'instabilitй gйopolitique. De ce pont de vue, il semble logique que la nouvelle conception stratйgique de l'Otan (prйvue en 2010) envisage d'intйgrer la variable йnergйtique comme un enjeu stratйgique majeur66. Et le plus inquiйtant est qu'aujourd'hui, l'Occident - sous la houlette amйricaine - n'hйsite pas а sйcuriser "ses" espaces stratйgiques en zone post-soviйtique via l'avancйe de l'Otan et l'installation de bases militaires. En outre, auto-lйgitimйe par la supйrioritй morale de l'idйologie libйrale, Washington vise, depuis la fin de la Guerre froide, а йtendre son influence idйologique en zone post-soviйtique. Cela est rйaffirmй, de maniиre claire, par R. Kagan : "La fin de la guerre froide a йtй considйrйe par les amйricains comme une occasion non pas de restreindre mais d'йtendre leur influence, d'йtendre l'alliance qu'ils dirigent vers l'Est en direction de la Russie (...), d'investir dans des rйgions du monde telles que l'Asie centrale"67. Ce faisant, cette offensive occidentale remet en cause le statut historiquement dominant de Moscou dans son prй-carrй. Ce que l'orgueilleuse Russie ne sera jamais prкte а accepter.

Globalement, le retour de l'Etat russe - et la rйhabilitation de ses valeurs nationales - s'est traduit par un durcissement de sa politique йtrangиre. En effet, depuis la fin des annйes 90, Moscou doit faire face а la militarisation des relations internationales, impulsйe par l'Amйrique de G.W. Bush et dont l'unilatйralisme hautain a йtй ouvertement condamnй par V. Poutine, en fйvrier 2007, dans son harangue anti-impйrialiste de Munich - qui souligne un "mйpris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international" et rejette "l'emploi hypertrophiй, sans aucune entrave , de la force - militaire - dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abоme de conflits successifs". Pour l'ancien prйsident russe, cet expansionnisme exacerbй de la puissance amйricaine reprйsente alors un "risque potentiel de dйstabilisation des relations internationales (...)"68. Depuis la chute du communisme soviйtique, le recours а la force a йtй institutionnalisй par Washington comme levier de sa politique йtrangиre car, comme l'admet R. Kagan, "une fois supprimй le frein que constituait la puissance soviйtique, le pays йtait libre d'intervenir oщ il voulait (...)"69. Dans son essence, cette orientation a justifiй la stratйgie de puissance de la Russie fйdйrale, s'appuyant sur l'armйe et son idйologie nationaliste - stratйgie illustrйe par les interventions en Tchйtchйnie et en Gйorgie. Symboliquement, il fallait montrer que l'armйe - et l'Etat - russe йtait "de retour" et au-delа, prйserver l'unitй de la nation russe autour d'une cause mobilisatrice.

Sous la prйsidence de Poutine - puis, а partir de mars 2009, sous celle de Medvedev - la politique extйrieure russe s'est focalisйe contre les menaces potentielles pesant sur ses intйrкts nationaux et, notamment, dans sa zone de domination traditionnelle. Dans ce but, la Russie s'est efforcйe de reconstruire le glacis sйcuritaire hйritй du soviйtisme et permettant d'une part, de crйer une profondeur stratйgique et d'autre part, d'anticiper les menaces latentes des zones non contrфlйes. Cela a justifiй la crйation des alliances politico-militaires de l'OTSC et de l'OCS70. Un objectif implicite de ces alliances eurasiennes йtant de freiner l'expansion de l'Occident - via le levier otanien - au cњur de l'espace post-soviйtique et dans ce but, faire contre-poids au pouvoir croissant de l'Otan dans la rйgion, qui dйpasse sa zone de responsabilitй. Cette volontй expansionniste de l'Otan - aspirant а devenir un gendarme mondial - a йtй dйnoncйe le 20/03/2009 par S. Riabkov, vice-ministre russe des Affaires йtrangиres : "Les activitйs de l'Alliance attestent qu'elle accorde une attention grandissante dans ses plans militaires а des problиmes surgissant а l'extйrieur de sa zone de responsabilitй traditionnelle. Il s'agit en fait d'une tentative de jouer un rфle mondial, et nous ne manquerons pas de prendre ce facteur en considйration"71. Cette incertitude gйopolitique croissante en pйriphйrie russe, dйfinie en 2009 par sa doctrine de sйcuritй nationale comme une "nouvelle menace", rendrait dйsormais possible l'йmergence de conflits (potentiellement nuclйaires) dans les rйgions frontaliиres. Et, de maniиre explicite, la stratйgie de l'Otan est visйe. Sur ce point, nous rejoignons l'analyse d'Isabelle Facon, qui rapporte que pour certains responsables russes, "la possibilitй d'une guerre rйgionale majeure ne peut кtre exclue а l'heure actuelle. Or ce risque est rattachй notamment а des scйnarios de crises potentielles avec l'Otan, en particulier dans l'environnement proche de la Fйdйration"72.

De tels scйnarios ont йtй simulйs par les exercices militaires "Zapad-1999", centrйs sur les capacitйs d'action de l'armйe russe dans un conflit avec l'Otan, similaire а celui en Yougoslavie au printemps 1999. Ces manњuvres ont alors montrй que la Russie ne pourrait repousser une attaque йventuelle de l'Otan, dans son йtranger proche, qu'en recourant а l'arme nuclйaire. Ce rйsultat a, par la suite, conduit la Russie а abaisser le seuil d'emploi de l'arme nuclйaire en renonзant, de facto, а l'ancien engagement soviйtique de ne pas y recourir la premiиre. Dйsormais, dans la nouvelle vision stratйgique russe, le nuclйaire intиgre - en dehors de sa fonction dissuasive - une fonction dйfensive et tactique, potentiellement utilisable dans des conflits rйgionaux et conventionnels, en cas d'impuissance des armes classiques. Et au-delа, le nuclйaire devient un levier d'action en vue d'influer sur une situation gйopolitique critique et in fine, il apparait comme une rйponse ultime au renforcement et а l'ingйrence croissante de l'Otan en zone post-soviйtique. De ce point de vue, il semble logique que les rйcentes manњuvres conjointes russo-biйlorusses "Zapad-2009" aient eu pour objectif central "les prйparatifs en cas de menace contre la stabilitй stratйgique dans la rйgion de l'Europe orientale".73

L'Otan, dont l'extension aux ex-alliйs de la Russie communiste est perзue comme une provocation par Moscou, est toujours considйrйe comme le bras armй de l'Occident et manipulйe а des fins politiques. Ainsi selon L. Ivachov, prйsident de l'acadйmie russe des problиmes gйopolitiques : "l'Otan, sous couvert de 'coopйration avec la Russie', progresse vers l'Est, crйe des bases а proximitй des frontiиres russes, fait adhйrer de nouveaux membres"74. Dans son intervention de Munich de fйvrier 2007, V. Poutine s'est, avec lйgitimitй, йtonnй de cet йlargissement virtuellement dirigй contre la Russie : "l'OTAN rapproche ses forces avancйes de nos frontiиres (...). Il est йvident, je pense, que l'йlargissement de l'OTAN n'a rien а voir avec la modernisation de l'alliance, ni avec la sйcuritй en Europe. Au contraire, c'est un facteur reprйsentant une provocation sйrieuse et abaissant le niveau de la confiance mutuelle. Nous sommes lйgitimement en droit de demander ouvertement contre qui cet йlargissement est opйrй."75 Cette progression des infrastructures militaires de l'Otan, а la pйriphйrie russe - ainsi que son aspiration а un "rфle global" - est perзue par Moscou, dans sa doctrine de sйcuritй, comme une menace et, а terme, comme un vecteur de dйsйquilibres. Mais le plus inquiйtant est que cette offensive occidentale, principalement amйricaine - mais aussi, depuis peu, europйenne, via un "partenariat oriental" proposй а 6 anciennes rйpubliques soviйtiques76 - s'appuie sur la manipulation politique des institutions du FMI et de la BM. Car dйsormais, ces derniиres n'hйsitent pas а proposer aux nouveaux Etats indйpendants des orientations йconomiques politiquement non neutres - rompant avec la culture russe - et associйes а une coopйration йtroite (dont militaire) ou а une aide financiиre consйquente77. En novembre 2008, le FMI a approuvй un programme de deux ans pour un total de 16,43 milliards de dollars ( !), afin de permettre а l'Ukraine de lutter - en thйorie - contre les consйquences de la crise financiиre internationale. Mais il s'agit surtout, selon nous, d'empкcher une Ukraine fragilisйe de retomber dans le giron russe.

Une voie alternative a йtй la crйation d'alliances politico-militaires ouvertement anti-russes, du type GUAM78, pour favoriser l'йmancipation des ex-rйpubliques soviйtiques et en ce sens, montrer а la Russie que sa pйriode impйriale est dйfinitivement terminйe, notamment en Asie centrale. De retour d'un voyage dans cette rйgion, William Burns, sous-secrйtaire d'Etat amйricain et ancien ambassadeur des Etats-Unis а Moscou, a affichй son soutien а une vйritable indйpendance de l'Asie centrale - qui, а la base, exige une rйduction de l'emprise politique de Moscou. Il a ainsi admis qu'un des objectifs de sa tournйe "йtait de mettre en relief la nйcessitй de l'indйpendance, de la souverainetй et de la stabilitй йconomique pour ces pays qui font actuellement face а des problиmes trиs graves"79. Autrement dit, par le biais de stratйgies йconomiques et politiques insidieuses, il s'agit - selon la ligne Brzezinski - de dйtacher les ex-rйpubliques soviйtiques de la domination russe et par ce biais, continuer le reflux ("roll back") de la puissance russe, pour in fine sanctionner de maniиre йclatante, sa dйfaite de la Guerre froide. Z. Brzezinski a reconnu la nйcessitй de bloquer toute vellйitй russe de reconquкte en zone post-soviйtique, en poursuivant le rapprochement avec les ex-rйpubliques soviйtiques de l'Asie centrale, cњur nйvralgique de l'ancien empire : "Ce qui est vraiment important est de crйer un contexte gйopolitique tel que le dйsir nostalgique (de la Russie : jg) de redevenir une grande puissance impйriale aura moins de chances de se rйaliser (...)". Ce qui implique selon Brzezinski "d'instaurer des liens йconomiques plus nombreux et plus directs avec les pays d'Asie centrale en tant qu'exportateurs d'йnergie (....)"80. D'autant plus que ce dernier est persuadй que "la domination coloniale russe sur l'Asie centrale est une chose du passй"81. L'Asie centrale est donc au cњur de la stratйgie amйricaine de compression de la puissance russe, йlaborйe en phase de Guerre froide. Troublante inertie.

Globalement, le respect de l'intйgritй territoriale - donc de la souverainetй - de l'Etat russe a йtй une des prioritйs de la ligne Poutine dans le but de retrouver sa crйdibilitй et son leadership en zone post-soviйtique et а terme, de se construire un statut post-impйrial. Car il s'agit d'abord de rйhabiliter la "grandeur russe" en redonnant а Moscou son statut de puissance internationale, sur la base de ses valeurs eurasiennes. Et ce faisant, Poutine s'est appuyй sur une forme de nationalisme russe, centrй sur la dйfense des valeurs ancestrales de "l'йternelle Russie" et structurй contre l'hostilitй plus ou moins virtuelle de l'Occident, accusй de soutenir certaines vellйitйs indйpendantistes - notamment en Tchйtchйnie et dans le Caucase nord. En fait, cette capacitй de l'Occident а rйactiver les courants nationalistes s'inscrit dans le prolongement de la Guerre froide et aurait, autrefois, prйcipitй l'implosion d'une URSS multi-ethnique. Ainsi, selon A. Zinoviev, "ce sont les dйmocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, а l'йpoque de la guerre froide, pour rйveiller les nationalismes. Parce qu'elles voyaient dans l'йclatement de l'URSS, le meilleur moyen de la dйtruire"82. Ces accusations sont reprises par le nouveau discours stratйgique russe, relayй par le gйnйral Gareev et qui dйnonce les manipulations extйrieures conduites par un ennemi puissant : "les menaces internes, les plus dangereuses sont le terrorisme et le sйparatisme, qui sont gйnйralement attisйs de l'extйrieur et visent l'unitй et l'intйgritй territoriale de la Russie"83. Aujourd'hui, le prйsident Medvedev s'inquiиte de l'instabilitй du Caucase et prфne le renforcement de la lutte contre l'extrйmisme et le terrorisme. Le 19/08/2009, il a reconnu qu'il y a "quelques temps, nous avons eu l'impression que la situation en matiиre de terrorisme dans le Caucase s'йtait sensiblement amйliorйe. Or, les rйcents йvйnements montrent qu'il n'en est rien"84. V. Vassiliev, prйsident du comitй pour la Douma pour la sйcuritй, a rйcemment affirmй - le 17/07/2009 - que les "terroristes" dans les rйpubliques nord-caucasiennes йtaient "manipulйs et financйs de l'йtranger"85. Le mythe stalinien de l'ennemi intйrieur manipulй par l'extйrieur est donc de retour. Et dйsormais, il est l'objet privilйgiй d'une instrumentalisation politique de la part des dirigeants russes. Car l'existence d'un "ennemi systйmique", selon l'expression de J. Fontanel, est nйcessaire а la rйgulation et au mйtabolisme de la sociйtй russe86 - autrement dit, а sa survie comme systиme social.

La nouvelle ambition russe

Ainsi, V. Poutine a rйussi а redonner une forme de cohйsion а l'Etat russe а partir d'une refonte politique et morale de la sociйtй. Mais cette renaissance de la Russie, porteuse d'une nouvelle idйe nationale, a йtй permise par le renforcement des tendances autoritaires et centralisatrices intйgrйes au projet politique de V. Poutine et poursuivi par son successeur, D. Medvedev. Pour reprendre l'affirmation de V. Poutine dйs l'annйe 2000 : "la clef de la renaissance et du relиvement de la Russie se trouve aujourd'hui dans la sphиre politique"87. Dйs son intronisation а la prйsidence, ce dernier s'est donnй comme tвche prioritaire de rйhabiliter l'idйe russe - excessivement dйformйe par le rйgime eltsinien - pour redonner sa fiertй au "grand peuple russe". Et selon Poutine, "la nouvelle idйe russe va se former comme un alliage, comme une union organique entre les valeurs humaines universelles et les richesses traditionnelles du peuple"88. De maniиre gйnйrale, ce projet radical s'inscrit dans la renaissance internationale de l'Etat russe - longtemps redoutйe par la puissance amйricaine, dans la mesure oщ elle menace son systиme de domination unipolaire et en cela, ses intйrкts gйopolitiques. Cela a conduit J. Biden а exiger de la Russie de revenir а plus de rйalisme et "de rйviser considйrablement les sphиres de ses intйrкts internationaux"89. Dйsormais, cette nouvelle ambition russe est perзue par Washington comme une forme de nйo-impйrialisme et surtout, selon Z. Brzezinski, elle attesterait du refus de Moscou d'accepter "la nouvelle rйalitй de l'espace post-soviйtique"90 - autrement dit, l'ingйrence amйricaine dans son ancien espace impйrial. Mais la Russie ne tolиrera pas un tel diktat. Car, en derniиre instance, il s'agit aussi pour elle de se relever de son trouble identitaire issu de sa pйriode post-soviйtique. Et, dans cette optique, son renforcement politique en zone post-soviйtique est vital.

Dans ses grandes lignes, le trouble identitaire de la Russie a йtй aggravй d'une part, par les dйrives de la transition post-communiste et d'autre part, par la politique structurellement anti-russe de l'administration Bush. Dans le mкme temps, la fйdйration de Russie a considйrablement souffert des inerties de Guerre froide manifestйes par les institutions internationales et de leur tendance expansive, au cњur mкme de son espace politique et au mйpris de ses intйrкts. Cette opposition d'intйrкts sera, pour la pйriode future, un vecteur structurant de conflictualitй et parallиlement, а l'origine de menaces non militaires et а dominante politique, йconomique ou informationnelle. Le gйnйral Gareev revient sur le caractиre "non classique" (et dйtournй) de ces nouvelles menaces : " 'L'expйrience' de la dйsagrйgation de l'URSS, de la Yougoslavie, des 'rйvolutions colorйes' en Gйorgie, en Ukraine, en Kirghizie et dans d'autres rйgions du monde est lа pour nous convaincre que les principales menaces sont mises а exйcution moins par des moyens militaires que par des moyens dйtournйs."91

Malgrй tout, la Russie s'efforce de maintenir - parfois, par le soft power - sa stratйgie d'influence en zone post-soviйtique, radicalement fragilisйe par la politique interventionniste de l'Occident et l'influence croissante de nouvelles puissances, comme la Chine, l'Inde, voire l'Iran et le Pakistan. "Dans ce contexte - prйcise T. Gomart - l'influence de la Russie se heurte non seulement а des obstacles internes а l'espace post-soviйtique, mais aussi aux influences exercйes par des puissances cherchant а prendre pied, selon des modalitйs diffйrentes, dans tout ou partie de la zone."92 Et dйsormais, Washington vise а isoler certains Etats de la zone post-soviйtique de l'influence russe, par le biais de stratйgies coopйratives ou partenariales renforcйes93 - comme l'attestent d'une part, le "partenariat stratйgique" avec l'Ukraine et la "coopйration militaire" avec la Gйorgie et d'autre part, sa politique de rapprochement avec le Kirghizstan et l'Ouzbйkistan (afin d'y rйinstaller des bases militaires). D'une maniиre gйnйrale, il s'agit pour Washington de contrer toute tentative de retour russe dans son ancienne zone de domination. Et dans ce but, elle n'hйsite pas а instrumentaliser l'Otan, dont le champ d'action stratйgique selon Brzezinski, "est appelй а s'йlargir а l'espace eurasien"94. Et plus inquiйtant, ce dernier a revendiquй, en 2009, l'йmergence d'une Otan globale - а l'йchelle du monde - et dotйe d'un contrфle centralisй des structures sйcuritaires rйgionales. Car, au nom de sa destinйe manifeste, l'Amйrique s'est auto-proclamйe gendarme international pour veiller sur l'Eurasie - donc, sur le monde - comme cela a йtй rйitйrй par H. Kissinger : "Au cours de la derniиre dйcennie du XX° siиcle, la prйpondйrance des Etats-Unis a assurй un rфle irremplaзable dans la stabilitй du monde"95. Inquiйtante certitude.

Un avenir radieux

Ainsi, la restructuration identitaire de la Russie post-communiste est conditionnйe par l'йvolution, dans l'espace eurasien, des rapports de force fondant le nouvel ordre international, structurellement dominй par l'idйologie libйrale et le poids йconomique - donc politique - des puissances occidentales. Car ces derniиres, en contrфlant les institutions financiиres majeures, verrouillent la gouvernance mondiale et en cela, la hiйrarchie de l'ordre international qui lui est associй - hiйrarchie qui dйfinit le statut, donc le pouvoir gйopolitique potentiel des diffйrents Etats. Autrement dit, la renaissance russe est mйdiatisйe, sur le plan international, par une structure de pouvoir informelle, fondйe sur des considйrations idйologiques et stratйgiques. En ce sens, la rййmergence mondiale finale de la Russie est soumise d'une part, а un enjeu idйologique majeur, centrй sur l'opposition de visions du monde spйcifiques et d'autre part, а un enjeu stratйgique incontournable, centrй sur l'opposition des intйrкts nationaux des Etats leaders.

Aujourd'hui, aprиs avoir retrouvй ses repиres politico-psychologiques, la Russie de Medvedev s'efforce - malgrй la crise systйmique - d'achever sa reconstruction йconomique pour donner а son peuple, la prospйritй tant espйrйe sous le communisme. Et selon l'expression de V. Poutine elle devra, а terme, "retrouver son chemin propre, sur la voie de la rйnovation"96, tout en prйservant ses valeurs eurasiennes. Aprиs s'кtre longtemps йgarйe sur les chemins idйologiques de l'histoire, elle devra recentrer son projet йconomique sur l'homme et la dimension sociale du dйveloppement pour in fine donner, selon Gorbatchev, "une rйelle impulsion au facteur humain"97 - objet constant des rйformes de l'ancien modиle йconomique soviйtique. Et, pour reprendre l'expression de Che Guevara, ultime dйfenseur d'un socialisme а visage humain, cela revient а "placer l'homme au centre"98. En cela, il s'agit de redonner sens au vieux rкve de l'ordre social soviйtique, sur la voie de l'avenir radieux.

En dйfinitive, il s'agit aussi de concentrer les efforts du peuple russe sur l'exйcution d'un projet socio-йconomique spйcifique, inspirй d'une "troisiиme voie" eurasienne, entre le plan socialiste et le libйralisme de marchй. Autrement dit, pour la Russie du 21° siиcle, le vйritable enjeu est la construction d'un modиle alternatif de civilisation.

Notes :

1 "Dйfense : la Russie doit кtre suffisamment armйe", D. Medvedev, 10/09/2009, www.fr.rian.ru.

2 Selon le rapport du Congrиs amйricain, Washington aurait exportй, en 2008, pour 37,8 milliards de dollars d'armes contre seulement 3,5 milliards а la Russie. Autrement dit, elle vendrait 10 fois plus d'armes dans le monde que la Russie, renforзant ainsi sa premiиre place internationale. Et surtout, sous la pression du lobby militaro-industriel amйricain, elle remporte une victoire spectaculaire dans la course aux armements initiйe, depuis la Guerre froide, contre la Russie. Rйf. : "Washington affirme avoir vendu dix fois plus d'armes que la Russie", Revue de la presse russe du 8 septembre, Gazeta.Ru/Izvestia/Komsomolskaпa pravda, 8/09/2009, www.fr.rian.ru.

3 "Elargissement de l'OTAN: le prйsident russe conseille d'йtudier les йventuelles consйquences", D. Medvedev, 2/04/2009, www.fr.rian.ru.

4 "Russie-USA : la lutte antiterroriste entravйe par les divergences en ex-URSS", H. Pirchner, 09/09/2009, www.fr.rian.ru.

5 Dйs le 8 dйcembre 1991, а Belovиje, prйs de Minsk, les dirigeants de la Russie, de l'Ukraine et de la Biйlorussie constatent officiellement que "l'URSS cessait d'exister en tant que sujet du droit international et en tant que rйalitй politique". Rйf. : Soulet J.F. (2000, pp. 223-224) : "L'Empire stalinien - L'URSS et les pays de l'Est depuis 1945", йd. le Livre de poche.

6 Cette stratйgie de dйstabilisation, de division et d'йrosion de la puissance russe est clairement prфnйe par Brzezinski, dans son fameux ouvrage, le Grand йchiquier. Voir donc Brzezinski Z. (2000) : "Le grand йchiquier - L'Amйrique et le reste du monde", йd. Hachette (1° йd. : Bayard, 1997). Cette stratйgie est reprise (et confirmйe) dans 2 ouvrages rйcents de Brzezinski : "Le Vrai Choix", йd. Odile Jacob (2004) et "L'Amйrique face au monde", йd. Pearson (2008).

7 Kagan R. (2006, p. 159) : "La puissance et la faiblesse", suivi de "Le revers de la puissance", йd. Hachette littйratures, coll. Pluriel Actuel.

8 Zinoviev A. (1999, p. 91) : "La grande rupture - sociologie d'un monde bouleversй", йd. L'Age d'Homme.

9 "Moscou invite Washington а abandonner l'hйritage de la guerre froide", MID (ministиre russe des Affaires йtrangиres), 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

10 On peut mentionner : l'extension de l'Otan, l'installation de bases amйricaines en Roumanie, en Bulgarie, au Kossovo, en Ouzbйkistan et au Kirghizstan ; la dйstabilisation de l'ex-Yougoslavie et l'indйpendance (planifiйe) du Kossovo ; l'implantation du systиme anti-missile ABM dans l'est-europйen voire, а terme, dans les ex-rйpubliques soviйtiques ; les "rйvolutions" de couleur en Gйorgie, en Ukraine et au Kirghizstan ; l'attitude hostile de l'Occident lors des crises tchйtchиne (depuis 1994), gйorgienne (2008) et ukrainienne (2009) ; l'intervention occidentale croissante en zone post-soviйtique et la construction de circuits йnergйtiques alternatifs, contournant la Russie... Sur l'ensemble de ces йvolutions, on doit souligner l'influence dйterminante du stratиge de la Guerre froide, Z. Brzezinski, concepteur d'une stratйgie anti-russe et aujourd'hui conseiller du prйsident Obama.

11 Facon I. (2007, p. 10) : "Politique de dйfense : les dйbats sur la doctrine militaire et l'йvaluation de la menace", Journйes d'Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : "Le projet de puissance de la Russie : enjeux, rйalitйs et implications stratйgiques", Fondation pour la Recherche Stratйgique.

12 "Obama entre idйalistes et pragmatiques", I. Krammik, 20/07/2009, www.fr.rian.ru. La fille de l'ancien vice-prйsident D. Cheney a accusй Obama de "rйviser l'histoire" lorsqu'il a affirmй que la guerre froide avait pris fin, de maniиre pacifique, du fait de la dйcision des ex-pays communistes, dont principalement l'Union soviйtique.

13 Kissinger H. (2004, p. 467) : "La Nouvelle Puissance Amйricaine", йd. Fayard, le Livre de Poche.

14 "USA-Gйorgie : pas de redйmarrage avec Moscou aux dйpens de Tbilissi", J. Biden, 23/07/2009, www.fr.rian.fr.

15 Brzezinski (2008, p. 186), op. cit.

16 Brzezinski, 2008, p. 191), op. cit.

17 Brzezinski, 2000, p. 141), op. cit.

18 De Tinguy A. (2007, p. 85) : "Espace post-soviйtique : quelles sont les logiques de la politique russe ?", Journйes d'Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : "Le projet de puissance de la Russie : enjeux, rйalitйs et implications stratйgiques", Fondation pour la Recherche Stratйgique.

19 "La Russie rйpondra fermement en cas de menace contre ses intйrкts nationaux", D. Medvedev, 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

20 "Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospиre", H. Clinton, 27/07/2009, www.fr.rian.ru.

21 Gomart T. – 2006, p. 8 – : "Quelle influence russe dans l'espace post-soviйtique ?", Le courrier des pays de l'Est, n° 1055, mai-juin 2006 (pp. 4-13).

22 Au dйbut des annйes 70, l'URSS aurait atteint, voir dйpasser les Etats-Unis en termes de puissance nuclйaire projetable. D'oщ, а l'йpoque, la nйcessitй pour Washington de dйfinir une stratйgie visant а йpuiser l'йconomie soviйtique et in fine, dйstabiliser son rйgime politique.

23 Bensimon G. (1996, p. 259) : "Essai sur l'Economie Communiste", йd. L'Harmattan.

24 Gorbatchev M. (1990, p. 202) : "Perestroпka - Vues neuves sur notre pays et le monde", J'ai Lu ( 1иre йd.: 1988).

25 "Nuclйaire : la bombe soviйtique a permis d'йviter la 3° guerre mondiale", A. Brich, 29/08/2009, www.fr.rian.ru.

26 Cette primautй de la contrainte extйrieure dans la politique soviйtique est une thиse dйveloppйe par Sokoloff. Voir donc Sokoloff G. (1976) :"L'Economie Obйissante - dйcisions politiques et vie йconomique en URSS", Calman-Levy.

27 Gorbatchev (1990, p. 300), op. cit.

28 Romer J.P. (2007, p. 25) : "Stratйgie russe : ruptures et continuitйs", Journйes d'Etudes, in Actes du 2 octobre 2007 : "Le projet de puissance de la Russie : enjeux, rйalitйs et implications stratйgiques", Fondation pour la Recherche Stratйgique.

29 Marcou L. (1997, p. 17) : "Le crйpuscule du communisme", Presses de Sciences Po.

30 Fassio F. (1991, p. 105) : "La nature du communisme selon Alexandre Zinoviev", йd. Arcane-Beaunieux.

31 Soulet (2000, p. 29), op. cit.

32 Lйnine W.I. (1916) : "L'impйrialisme, stade suprкme du capitalisme", Moscou, йd. du Progrиs.

33 Zinoviev A. (1983) : "Homo-soviйticus", Julliard/l'Age d'Homme.

34 Che Guevara E. (1965, p. 273) : "Le socialisme et l'homme а Cuba", tome 1.

35 Concept de sйcuritй nationale de la fйdйration de Russie (2000), Dйcret prйsidentiel n°24, 10 janv. 2000.

36 De Tinguy (2007, p. 83), op. cit.

37 Selon D. Medvedev, "les conditions pour le banditisme et l'extrйmisme religieux ont йtй crйes par la dйsintйgration de l'Etat, ils plongent leurs racines dans l'organisation de notre vie, le chфmage, la pauvretй (...)". Rйf. : "Les leзons de Beslan cinq ans aprиs", M. Krans, 01/09/2009, www.fr.rian.ru.

38 Fedorovski V. (2007, p. 192) : "De Raspoutine а Poutine - les hommes de l'ombre", йd. Perrin

39 "Russie : les revenus de la population en chute libre", 31/08/2009, www.fr.rian.ru.

40 Marcou (1997, p. 112), op. cit.

41 Kagan (2006, p. 69), op. cit

42 En 1998, la croissance йconomique russe est encore de - 4,6 % avant d'amorcer une reprise en 1999 : + 5,4 %. Sources : GOSKOMSTAT et Banque Centrale de Russie.

43 De Tinguy (2007, p. 89), op. cit.

44 IDS : Initiative de dйfense stratйgique. C'est un projet lancй le 23 mars 1983 par R. Reagan et destinй а crйer un bouclier spatial anti-missiles, protйgeant l'Amйrique de la menace nuclйaire soviйtique. Ce programme a prйfigurй l'actuel projet anti-missiles ABM, йtendu а l'est-europйen.

45 Zinoviev en a la preuve et affirme : "J'ai lu des documents, participй а des йtudes qui, sous prйtexte de combattre une idйologie, prйparaient la mort de la Russie". Rйf. : Zinoviev (1999, pp. 89-90), op. cit.

46 Les derniиres manњuvres provocantes de l'Otan, dans le cadre de ce partenariat - et avec la participation d'anciens Etats soviйtiques - ont eu lieu en mai 2009 en Gйorgie ( !), ex-rйpublique stratйgique de l'URSS... A. Tsyganok, directeur du Centre de prйvisions de l'Institut d'analyse politique et miliaire, a affirmй que ces manњuvres de l'Otan avaient "un caractиre nettement anti-russe dans le contexte du conflit d'aoыt dernier dans le Caucase du sud". Rйf. : "Russie-Otan : l'Alliance devrait annuler ses exercices en Gйorgie", A. Tsyganok, 13/04/2009, www.fr.rian.ru.

47 "Moscou opposйe а l'йlargissement artificiel de l'Otan", S. Lavrov, 26/03/2009, www.fr.rian.ru.

48 "Otan : les Etats-Unis appuient le dйsir de l'Ukraine d'intйgrer l'Alliance", J. Biden, 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

49 "Biden а Tbilissi: Washington aidera la Gйorgie а intйgrer l'OTAN", 23/07/2009, www.fr.rian.ru.

50 "Les Etats-Unis prкts а rйarmer la Gйorgie", 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

51 "Caucase : la Russie ne tolиrera aucune 'aventure militaire' ", V. Poutine, 26/08/2009, www.fr.rian.ru.

52 "En rйalitй, 'l'action prйventive', c'est ce que l'administration Bush a fait en Irak, intervenir avant mкme que la dйcision de frapper ait йtй prise par une puissance potentiellement hostile, et peut кtre avant." Rйf. : Kagan (2006, p. 217), op. cit.

53 Citй par Kagan (2006, p. 239), op. cit.

54 Marcou (1997, p. 96), op. cit.

55 Mazet M. (2007, p. 153) : "La Russie et ses marges : nouvel empire ?", йd. Ellipses.

56 La chute du rouble et le krach financier - associйs а la soumission politique de B. Eltsine а la volontй amйricaine de "dйmilitariser" la Russie - expliquent la rйduction drastique du budget militaire : en 1999, il йtait de 20 fois infйrieur (en dollars) а celui des Etats-Unis. Rйf. : Loupan V. (2000, p. 166) : "Le Dйfi russe", йd. des Syrtes. Pour mйmoire, rappelons que sous le rйgime soviйtique, les dйpenses d'armement йtaient estimйes entre 15 % (CIA amйricaine) et 25 % du PIB (E. Chevarnadzй, ancien ministre des affaires йtrangиres), soit entre trois et cinq fois le taux amйricain (5 % du PIB). Rйf. : Soulet (2000, p. 162), op. cit.

57 Fedorovski (2007, p. 173), op. cit.

58 Concept de sйcuritй nationale de la fйdйration de Russie (2000), op. cit.

59 "Armйe russe : Medvedev fixe les prioritйs", Rossiiskaпa gazeta, 21/07/2009, www.fr.rian.ru.

60 "La Russie modernisera son arsenal nuclйaire", V. Verkhovtsev, 04/09/2009, www.fr.rian.ru.

61 "Charges nuclйaires : le dйcalage de la Russie doit demeurer important", S. Karaganov, 1/07/2009, wwww.fr.rian.ru.

62 Gйronimo J. (2007) : "Le retour de l'atome rouge', Revue regard sur l'Est, 30/09/2007. Papier publiй йgalement (en russe) dans la revue biйlorusse de gйopolitique "Bechik", n° 2, 2008 (pp. 105-108), la Revue Eurasia, n° 4, 2009 et sur geostrategie.com.

63 Gareev M. (2007, p. 6) : "La Russie sera l'arbitre gйopolitique des conflits а venir", 26/01/2007, www.voltairenet.org.

64 "ABM : le renoncement des Etats-Unis serait un 'grand pas en avant' ", V. Poutine, 03/07/2009, www.fr.rian.ru.

65 Gareev (2007, p. 3), op. cit.

66 "Quel nouveau concept stratйgique pour l'Otan ?", F. Loukianov, 04/09/2009, www.fr.rian.ru.

67 Kagan (2006, p. 138), op. cit.

68 "La gouvernance unipolaire est illйgitime et immorale", discours de V. Poutine а la confйrence de Munich, 13/02/2007, www.voltairenet.org.

69 Kagan (2006, p. 46) op. cit.

70 Sous l'impulsion russe, le renforcement de l'alliance politico-stratйgique OCS (Organisation de coopйration de Shanghai) semble justifiй et, selon une logique d'йquilibre stratйgique, adaptй а l'avancйe provocante de l'Otan en zone post-soviйtique. L'organisation de Shanghai est une organisation rйgionale qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l'Ouzbйkistan. Elle a йtй crйe а Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les prйsidents des six pays eurasiatiques. D'autre part, l'OTSC (Organisation du Traitй de sйcuritй collective), regroupe actuellement sept Etats - Armйnie, Biйlorussie, Kazakhstan, Kirghizie, Tadjikistan, Russie et Ouzbйkistan - qui couvrent prиs de 70% du territoire de l'ex-URSS. Elle est politiquement dominйe par la Russie. Le traitй de sйcuritй collective a йtй signй en 1992 et faisait alors figure de bras armй de la CEI, luttant notamment contre le terrorisme et la mafia ; par la suite, elle a йtendu son action а la sphиre politico-stratйgique. Aujourd'hui, avec le dйclin de la CEI, l'OTSC reste trиs active en Asie centrale et apparaоt dйsormais comme le complйment politico-militaire de la communautй йconomique eurasienne (CEEA), qui regroupe la Russie, la Biйlorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l'Ouzbйkistan et le Tadjikistan.

71 "Russie-Otan : Moscou dйnonce les vellйitйs expansionnistes de l'Alliance", S. Riabkov, 20/03/2009, www.fr.rian.ru.

72 Facon (2007, p. 10), op. cit.

73 "Zapad : 19 ans de manњuvres de grande envergure aux portes de l'Occident", I. Kramnik, 09/09/2009, www.fr.rian.ru.

74 "Otan-Russie : la reprise de la coopйration ne profite qu'а l'Alliance", L. Ivachov, 29/06/2009, www.fr.rian.ru.

75 "La gouvernance unipolaire est illйgitime et immorale", V. Poutine, 13/02/2007, op. cit.

76 Depuis 2009, l'Europe conduit une politique particuliиrement active en zone post-soviйtique, dans une rйgion qu'elle appelle dйsormais "le voisinage partagй". Par ce biais, elle s'octroie un droit de regard et d'intervention menaзant les prйrogatives russes au cњur mкme de son espace historique.

77 Par exemple l'initiative de la dette PPTE (pour les pays pauvres et trиs endettйs) proposйe au Kirghizstan vise, de maniиre implicite, а dйconnecter ce pays de l'influence (et de la culture) russe et а imposer un modиle libйral de dйveloppement. En quelque sorte, il s'agit de crйer une nouvelle dйpendance (politique) а l'йgard de l'Occident. Sur ce thиme, voir : Gйronimo J. (2007) : 'Les leviers d'une stratйgie anti-russe', Nouvelles Fondations - La Revue, n° 6, juillet 2007. Papier publiй (en russe) dans la Revue "Obshestevennyi Reiting", Bichkek, Kirghizistan (19/04/2007) et www.cairn.info

78 GUAM (Gйorgie, Ukraine, Azerbaпdjan, Moldavie) : alliance politique, йconomique et stratйgique destinйe а renforcer, hors de la tutelle russe, l'indйpendance et la souverainetй de ses pays membres. En fait, cette alliance est une instrumentalisation amйricaine orientйe contre la Russie

79 "Washington promouvra l'indйpendance de l'Asie centrale", W. Burns, 24/07/2009, www.fr.rian.ru.

80 Brzezinski (2008, p. 199), op. cit.

81 Brzezinski (2004, p. 98), op. cit.

82 Zinoviev (1999, p. 103), op. cit.

83 Gareev (2007, p. 5), op. cit.

84 "Caucase du Nord : intensifier la lutte contre le terrorisme", D. Medvedev, 19/08/2009, www.fr.rian.ru.

85 "Caucase du Nord : les terroristes manipulйs depuis l'йtranger", V. Vassiliev, 17/07/2009, www.fr.rian.ru.

86 Fontanel J. (1998, p. 6) : "L'йconomie russe, ou la transition douloureuse" in "L'avenir de l'йconomie russe en question", PUG (sous la direction de).

87 Citй par Loupan (2000, p. 215), op. cit.

88 Citй par Loupan (2000, p. 214), op. cit.

89 "Les Etats-Unis souhaitent une Russie puissante, pacifique et prospиre", 27/07/2009, www.fr.rian.ru.

90 Brzezinski (2008, p. 208), op. cit.

91 Gareev (2007, p. 4), op. cit.

92 Gomart (2006, p. 11), op. cit.

93 Les Etats (principalement) concernйs sont: l'Armйnie, l'Azerbaпdjan, la Gйorgie, l'Ukraine, le Kirghizstan et, depuis peu, la Biйlorussie qui s'est йloignйe de Moscou.

94 Brzezinski (2004, p. 296), op. cit.

95 Kissinger (2004, p. 13), op. cit.

96 Citй par Loupan (2000, p. 212), op. cit.

97 Gorbatchev (1990, p. 33), op. cit.

98 "El Che en la revolucion cubana", La Habana, ediciones del Minaz, t. 6, p. 562.

Jean Geronimo : Docteur en Sciences йconomiques. Spйcialiste de l'URSS et des questions russes. Mail : Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr

  

Материал распечатан с информационно-аналитического портала "Евразия" http://med.org.ru
URL материала: http://med.org.ru/article/4302