Международное Евразийское Движение :: Robert Coalson|Russie : les conservateurs contestent la notion de

« Je suis profondйment convaincu que la conception des droits de l’homme varie d’une culture а l’autre, dans la mesure oщ le concept mкme de la personne varie » affirme le politologue Alexandre Douguine qui dirige le Centre d’йtudes conservatrices а l’universitй d’Йtat de Moscou et qui est un des principaux exposants du nouveau conservatisme russe.

Dans la culture russe, nous dit Douguine, « une anthropologie collective a prйdominйe », signifiant que l’individu ne peut seulement rйaliser pleinement son potentiel qu’en agissant comme une partie de l’ensemble de la sociйtй. La conception russe des droits de l’homme ne comprend pas, pour lui, « le droit au pйchй », ce qui veut dire que la sociйtй, particuliиrement sous la forme de l’Йglise orthodoxe russe et de l’Йtat central, а une obligation de se protйger elle-mкme afin de pouvoir protйger les droits de ses citoyens.

Douguine affirme que la tradition culturelle russe concernant les droits et les valeurs a plus en commun avec la tradition musulmane qu’avec le libйralisme occidental. « Dans les traditions musulmanes et orthodoxes, presque tout correspond », dit-il, « Toutes les deux rejettent а la fois les aspects spйcifiquement laпques, occidentaux, europйen, et la conception individualiste des droits de l’homme. »

En avril 2006, l’Йglise orthodoxe russe a parrainй le Xиme Conseil annuel du peuple russe, qui adopta une Dйclaration des droits de l’homme et de la dignitй qui remet directement en cause la Dйclaration universelle des droits de l’homme. Douguine fut un important contributeur de ce texte, comme le fut le mйtropolite de Smolensk et de Kaliningrad Cyrille, qui est un candidat bien placй pour succйder comme patriarche а Alexis II rйcemment dйcйdй. « Il y a des valeurs qui ne sont pas moins importantes que les droits de l’homme », йnonce la dйclaration orthodoxe. « Ce sont la foi, l’йthique, les sacrements et la patrie. »

Dans le courant de cette annйe, un groupe de philosophes influents, qui se dйsignent eux-mкmes comme des « conservateurs dynamiques », a publiй un document intitulй La Doctrine russe. A bien des йgards, il synthйtise le programme politique de l’actuel gouvernement russe. Comme les autres tendances conservatrices, le livre insiste sur le fait que « l’individu se reconnaоt comme une partie organique de l’environnement social (voisins, collиgue de travail, relations), de la famille et de la nation (Йtat et principales institutions sociales) ; il y a un enrichissement mutuel, un soutien mutuel entre l’individu et la sociйtй. »

La prййminence de l’Etat

On ne voit pas encore clairement quelle influence le nouveau conservatisme a а au sein de l’йlite dirigeante, qui comme Poutine lui-mкme, est bien disposйe envers l’Йglise orthodoxe.

Ainsi l’idйologue en chef du Kremlin, Vladislav Surkov, qui inventa le terme « dйmocratie souveraine » pour dйcrire le systиme politique de la Russie, a empruntй des йlйments de la pensйe conservatrice pour plaider en faveur de la restriction de l’influence des lois internationales, des organismes йconomiques mondiaux et de l’opinion publique occidentale sur le dйveloppement de la Russie. Dans un article publiй l’annйe passйe, Douguine saluait « l’йvolution » de Surkov du libйralisme vers le conservatisme, et le fait que sa rйflexion йtait centrйe sur l’Йtat. « Pour moi la valeur de l’Йtat est absolue », йcrivait Douguine. « Et des valeurs comme le libйralisme, la dйmocratie, la sociйtй civile, la libertй et la justice sociale sont secondaires comparйes а l’йtatisme. J’observe prйcisйment l’йvolution de Surkov dans cette direction. »

En termes pratiques, on relиve l’influence conservatrice dans le fait que la Russie a contestй le systиme international de surveillance des йlections dйveloppй par l’Organisation de la sйcuritй et de la coopйration en Europe en le dйclarant partial. En juillet 2008, les Russes ont fait valoir que les observateurs des йlections doivent « montrer du respect pour les organes nationaux du pouvoir, y compris les organes йlectoraux » des pays d’accueil et s’en remettre au gouvernement « dans toutes les autres questions touchant а la souverainetй du pays. »

De mкme, le Kremlin a critiquй la Cour europйenne des droits de l’homme et a pris des mesures pour rendre plus difficile pour les citoyens russes de dйposer des plaintes а Strasbourg. L’annйe derniиre, le Prйsident d’alors Vladimir Poutine a signй un dйcret visant а « renforcer la protection des droits de la Russie » а la Cour.

Cependant, les valeurs de la Dйclaration universelle des droits de l’homme continuent а avoir une certaine emprise en Russie. D’une chose, la constitution de 1993 du pays – notamment l’йnumйration des droits des citoyens – est clairement rйdigйe dans l’esprit de la Dйclaration. Le Prйsident de la Cour constitutionnelle Valery Zorkin dйclara ainsi dans une interview а Rossiiskaya Gazeta, en novembre 2008 : « Selon la Constitution, l’individu, ses droits et libertйs sont les plus hautes valeurs. »

Qu’est-ce qui est traditionnel ?

La plupart des maladresses du Poutinisme au cours des huit derniиres annйes sont nйes des efforts pour superposer le nouveau conservatisme а une structure plus libйrale que le Kremlin ne semble pas vouloir abandonner complиtement.

Bien que le gouvernement de Poutine ait suivi une ligne de renforcement de l’Йtat, on rencontre occasionnellement des prises de positions favorables а la Dйclaration universelle des droits de l’Homme, semblables aux commentaires de Zorkin. Ce mois-ci, le parti au pouvoir Russie unie a soumis un projet de code de conduite morale pour les fonctionnaires d’Йtat qui dit explicitement que les fonctionnaires ne sont pas tenus d’obйir aux ordres qui « sont en grave contradiction avec les droits fondamentaux de l’Homme йnoncйs dans les lois de la Fйdйration de Russie et dans la Dйclaration universelle des droits de l’homme. »

Les conservateurs n’ont pas de mal а dйmontrer que le peuple russe partage leurs notions des « valeurs nationales » de la culture russo-orthodoxe. Un sondage national par le Centre pan-russe d’йtude de l’opinion publique (VTsIOM) de dйcembre 2008 a rйvйlй que 33% des Russes soutiennent « la dйfense des valeurs traditionnelles russes, l’indйpendance nationale, le renforcement du pouvoir et la dйfense des intйrкts des Russes » points de vues que les chercheurs du VTsIOM dйfinirent comme « un conservatisme national. »

De ce fait, les conservateurs russes tels que Douguine et le mйtropolite Cyrille, insistent sur la nйcessitй de respecter la culture historique et les traditions morales, lors de la rйdaction des lois, ainsi que le droit de chaque culture de poursuivre sa propre voie de dйveloppement. Sinon, avertit Douguine : « Le risque du choc des cultures nous menace. Si un de nous - l’Europe, l’Occident dans son ensemble ou la Russie – commence а essayer d’imposer sa conception des droits de l’homme а l’autre, il y aura des problиmes. Parce que de notre point de vue, notre conception des droits de l’homme est optimale, mкme universelle, а la diffйrence de l’Europйenne. Et les Europйens pensent exactement le contraire. Dиs que nous commenзons а mettre sйrieusement l’accent sur les prйtentions а l’universalisme, un conflit surgit immйdiatement. »

Une seule conclusion s’impose donc pour les conservateurs russes : un relativisme des valeurs et un refus de la domination par celles issues de l’Occident.

Adaptй de Robert Coalson, Russian Conservatives Challenge Notion Of Universal Values, Radio Free Europe/Radio Liberty, dйcembre 2008.

Robert Coalson

Russie : les conservateurs contestent la notion de « valeurs universelles »