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    Textes | Douguine | RC russe | 1995 Íàïå÷àòàòü òåêóùóþ ñòðàíèöó
    Archivio de EURASIA a cura di Martino Conserva original text

    Aleksandr Douguine

    LA REVOLUTION CONSERVATRICE RUSSE

    1   La Russie conservative-révolutionnaire
    2   Les précurseurs du courant RC en Russie           
    a) les maçons russes
               b) les slavophiles : A.Chomyakov, P.Kirievsky, Aksakov etc.
               c) "les zapadnikis" : P.Tchaadaev
               d) "les jeunes slavophiles" : "les potchvenniki" et K.Leontiev, N.Danilevsky
    ;          e) les anarchistes nationalistes : M.Bakunine
               f) les "narodniki" : de A.Herzen à V.Tchernov
               g) les socialistes-révolutionnaires
               h) les bolcheviks antisémites et les visionnaires patriotes-bolcheviks:               S.Esenine, Klyuev etc. 
    3   Le Révolution Conservatrice du baron Ungern-Sternberg
    4   "Smena Vekh" et les Eurasistes               
    a) les idéologies de l'émigration Blanche
                   b) les Vekhi" et "Smena Vekh"
                   c) les eurasistes
    5   La mission eurasiste et la Russie Sovietique : Staline et        Brejnev
    6   Le mouvement néo-eurasiste: les écrivains "néo-potchvenniki", L.Gumelev
    7   Conclusion
     1   La Russie conservative-revolutionnaire


    Les auteurs qui étudiaient la Révolution Conservatrice allemande ou la Révolution Conservatrice tout court (Armin Möhler, Alain de Benoist, Luc Pauwels, Robert Steuckers, etc.) insistaient toujours sur le rôle de la Russie dans le processus du devenir de la pensée conservatrice-révolutionnaire et même dans l’emploi original de ce terme – Yuri Samarin « Revolutsionnyi conservatism ». On ne peut pas douter non plus de l’« Ostorientirung » et d’une certaine russophilie quasi obligatoire de ce courant intellectuel, depuis les jeunes-conservateurs jusqu’aux nationaux-bolcheviks allemands en passant par les géopoliticiens de l’école de Haushofer.

    Dans ce sens, les célèbres idées radicales de Jean Thiriart sur « l’empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin » et le fameux aphorisme d’Alain de Benoist sur la préférence de la casquette de l’Armée Rouge au béret vert américain restent dans les cadres traditionnels de la logique RC la plus stricte.

    Mais une étude sérieuse et suffisamment documentée de ce domaine reste à faire pour apprécier toute la valeur intellectuelle et géopolitique de la pensée RC des auteurs russe eux-mêmes. Cette tâche est extrêmement difficile à cause de l’absence de traductions dans les langues européennes des écrits des représentants de la pensée RC russe. D’un autre coté, ce courant reste presque entièrement ignoré même en Russie, parce que les communistes d’hier considéraient officiellement ce mouvement comme « petit-bourgeois » et « nationaliste » et que les démocrates d’aujourd’hui pensent qu’il s’agit de « chauvinistes », de patriotes et d’antisémites, voire de « nazis ». Malgré tout, l’intérêt pour les auteurs russes de la tendance RC devient de plus de plus grand en Russie, et on peut espérer que leurs œuvres et leurs idées seront redécouvertes et repensées par l’intelligentsia russe qui commence à se réveiller de son long sommeil idéologique. On peut déjà remarquer que le processus intellectuel de découverte de l’héritage national dans le domaine de la culture  présente même aujourd’hui en Russie plusieurs traits conservateurs-révolutionnaires, bien que cela se produise souvent d’une manière spontanée, inconsciente et naturelle. On peut même oser dire que la Russie elle-même, dans son essence, est naturellement conservatrice-révolutionnaire, ouvertement ou secrètement selon les circonstances extérieures.
     
     

    2  Les precurseurs du courant RC en Russie 
      a) Les maçons russes

    Si on regarde l’histoire de la pensée russe au cours des derniers siècles, on constatera sans doute que presque tous les écrivains, les philosophes et les publicistes russes les plus marquants présentent certains traits conservateurs-révolutionnaires. A partir des maçons russes du cercle de Novikov, Schwarz et Lopuchin, on voit toujours dans les mouvements intellectuels russes la combinaison de motifs conservateurs avec des motifs révolutionnaires.

    Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les maçons russes ou les rosicruciens russes, comme on les appelle le plus souvent, voulaient contrebalancer les tendances purement laïques et essentiellement athées de la Cour russe, qui étaient devenues une sorte d’idéologie obligatoire sous la tsarine Catherine, par les recherches traditionalistes, spirituelles et « conservatrices » au sens mystique et théologique. Mais la religiosité et le mysticisme des premiers maçons russes avait pour contrepartie un certain accent porté sur la Justice sociale et certains traits du socialisme. Si on peut parler ici d’un certain « utopisme » qui unissait les maçons russes à leurs « frères » européens, ils étaient quand même très différents d’eux pour tout ce qui concernait la conscience des racines nationales, le vif sentiment de l’identité russe et impériale. Leur utopisme était enraciné et identitaire. Ce n’est pas par hasard que les maçons russes étaient surtout liés avec les loges-mères allemandes où, par contraste avec l’Angleterre et la France, régnait l’esprit nationaliste et impérial, abstraction faite des Illuminés de Bavière dont l’appartenance à la Maçonnerie régulière fut d’ailleurs niée par des auteurs aussi sérieux et qualifiés que René Guénon. Quoi qu’il en soit, les écrits de Lopuchin et de Novikov sont remplis d’allusions aux valeurs mystiques du peuple et de l’âme russe, entendue comme une réalité spirituelle et énigmatique. A l’instar de la maçonnerie prussienne et protestante de la même époque, la maçonnerie russe du XVIIIe siècle avait une tendance « pro-chevalerie » et « pro-médiévale », ce qui la séparait nettement de la maçonnerie française rationaliste, encyclopédiste et « moderniste ».
     

    b) les slavophiles : A.Chomyakov, P.Kirievsky, Aksakov etc.
    Mais les précurseurs les plus directs de la RC russe furent les slavophiles du XIXe siècle. Ce courant qui a fortement influencé toute la vie intellectuelle russe des deux derniers siècles n’était pas, comme on le pense très souvent, un mouvement uniquement conservateur, patriarcal, archaïque et réactionnaire. Comme presque toujours dans l’histoire russe (et même dans toute l’histoire de la pensée contre-révolutionnaire, pourrais-je dire), les intellectuels les plus radicaux de la droite ont évolué jusqu’à cette position idéologique en partant du pôle opposé, celui du modernisme, du progressisme, de la révolution. Les premiers slavophiles (ceux de la première génération, comme on dit) comme A. Chomyakov, P. Kirievsky, les frères Aksakov, etc., sont tous passés par l’attrait des idées de la Révolution Française, mais après avoir perdu les illusions de leur jeunesse, ils ont fini par exalter des valeurs radicalement anti-révolutionnaires – celles du sol, celles du peuple compris comme une unité organique, qualitative, historique, celles de l’identité spirituelle et géopolitique de la Russie, celles de son identité religieuse et impériale. Mais partout dans les écrits des premiers slavophiles, on trouve les traces de l’esprit « révolutionnaire » – ils critiquèrent sévèrement la monarchie russe à partir de Pierre le Grand, qu’ils accusaient d’être le destructeur de la synthèse spirituelle entre le peuple russe et l’Etat russe. Pierre le Grand était le « démon » pour les slavophiles, et pour cette raison leur attitude envers la monarchie des Romanov était plutôt ambiguë. On doit aussi souligner le fait que les slavophiles étaient surveillés par la police tsariste, et plusieurs de leurs textes furent interdits par la censure, malgré leur esprit « réactionnaire » évident. Ce sont des slavophiles (Y. Samarin) qui ont inventé le terme RC.
    c) "les zapadniki" : P.TchadaIev


    L’opposant le plus radical aux slavophiles – P. Tchadaiev, qu’on présente souvent comme le premier auteur de l’orientation « pro-occidentale » (celle des « zapadniki »), ce qui voulait dire « progressiste », « rationaliste » et « encyclopédiste » – était lui aussi indubitablement marqué par l’esprit de la RC. On peut mentionner au moins ce fait qu’il était un disciple direct de Joseph de Maistre, avec lequel il avait des relations d’amitié. Tchadaiev opposait aux slavophiles les idées du « conservatisme éclairé » de style européen. Il niait la mission mystique de la Russie comme étant une utopie inconsistante et vide de sens, il se moquait de l’archaïsme de l’Eglise Orthodoxe, il regardait l’histoire russe comme absurde et barbare, mais en même temps il voulait restaurer la civilisation théocratique, catholique et anti-moderne dans l’esprit médiéval. Il était donc plus un contre-révolutionnaire européen qu’un contre-révolutionnaire russe. Ses écrits (« Les lettres philosophiques ») contiennent beaucoup de considérations géopolitiques qu’on pourrait interpréter dans un sens « eurasiste ». Vers la fin de sa vie, Tchadaiev était devenu presque russophile. Quand on regarde sa figure – indéniablement douée de l’intelligence la plus claire et la plus perspicace de son époque – on ne trouve en elle rien de « moderne », de « progressiste » ou de « rationaliste ». Il était plutôt un romantique isolé et non-conformiste.

    d)  "les jeunes slavophiles": "les potchvenniki" et K. LeontIev, N. Danilevsky


    Les slavophiles de la deuxième et surtout de la troisième génération – dont les plus célèbres sont les philosophes K. Leontiev et N. Danilevsky (véritable précurseur des conceptions d’Oswald Spengler et de Toynbee), l’écrivain Fedor Dostoïevski, les philosophes A. Grigoriev, N. Strachov, etc. – peuvent être considérés comme des révolutionnaires conservateurs typiques. Ils passent « obligatoirement » par les milieux socialistes et anarchistes pour redécouvrir, à la suite d’expériences traumatiques, les vérités profondes de la religion Orthodoxe, de l’âme mystique du peuple russe, les mystères du sol impérial, des lois qualitatives de la géopolitique eurasienne.

    Les « potchvenniki » – du mot russe « potchva », « le sol », « Boden », - défendaient l’idée de l’unité providentielle du peuple russe avec l’élite traditionnelle et religieuse. Ils voulaient transformer la Russie en Etat organique, religieux et basé sur l’idée de la Justice Divine qui pour eux était la même que la Justice Russe (« ruskaïa pravda », « la vérité russe »). Ils refusaient l’histoire de l’Occident – surtout après la Révolution Française – comme étant une histoire anti-organique, artificielle et presque satanique. Les « potchvenniki » rejetaient le capitalisme et insistaient sur une voie russe particulière de développement économique, industriel et social, qui devrait être avant tout en accord intérieur organique et naturel avec la mission sacrée et providentielle de la Russie et de son peuple mystique. Le représentant le plus célèbre des « pochvenniki » reste sans doute Fedor Dostoïevski (notons à ce propos que le traducteur de ses œuvres en allemand était Arthur Moeller van den Bruck).

    L’autre auteur brillant qui développa considérablement les tendances conservatrices-révolutionnaires des slavophiles était Konstantin Leontiev. Leontiev créa sa doctrine célèbre de l’identité asiatique et turco-slave du peuple russe, qu’il regardait comme un phénomène unique de synthèse raciale, culturelle et géopolitique. Leontiev soulignait la nécessité d’une lutte totale contre l’esprit moderne, et il considérait les peuples musulmans (et surtout turcs) comme les alliés naturels et sûrs des Russes orthodoxes dans leur combat contre l’Occident moderne et anti-traditionnel. Leontiev a développé des thèses géopolitiques qu’on retrouve déjà chez les premiers slavophiles (A. Chomyakov, I. Kirievsky etc.). Certaines idées de Leontiev sont étrangement proches des conceptions de René Guénon. Leontiev était un ennemi absolu de tout capitalisme et de tout libre-échangisme. Quelques-unes de ses propositions peuvent être interprétées dans le sens d’un « socialisme chrétien-orthodoxe, russe et eurasiste ». Il a créé un grand projet continental qui était centré sur l’intensification des elations culturelles, économiques et géopolitiques entre la Russie et les peuples orientaux, en rejetant en même temps la voie capitaliste, occidentale et surtout anglo-saxonne (les seules exceptions étaient pour lui l’Autriche et la Prusse qu’il considérait comme des pays traditionnels et « orientaux »).

    N. Danilevsky de son coté proposa une vision plurielle des civilisations, dont chacune connaît son propre développement cyclique. Il pensait dans des termes de synchronicité des civilisations. Selon lui, la civilisation russe était un cas unique, où un équilibre avait été instauré entre les tendances opposées, géopolitiques, culturelles, ethniques et religieuses. Contrairement à K. Leontiev, N. Danilevsky rejetait à la fois l’orientation orientale et l’orientation occidentale. Il pensait que la civilisation russe devrait être conservée en tant que telle, isolée et repliée sur elle-même.
     

    e) les anarchistes nationalistes : M.Bakunine
    Même dans les mouvements gauchistes et révolutionnaires russes du XIXe siècle et du début du XXe siècle, on trouve très facilement des formes qu’on pourrait regarder comme ayant certains traits de la RC. M. Bakounine lui-même, en tant qu’idéologue et praticien de l’anarchisme révolutionnaire le plus radical et le plus athée, exprimait parfois des thèses peu conciliables avec l’esprit internationaliste et nettement cosmopolite de son mouvement. On connaît sa haine pour les Juifs. Son projet d’union de tous les peuples slaves, ses idées de « socialisme slave et même panslaviste » peuvent être vues comme des formes préfigurant certaines branches de la RC du XXe siècle et plus exactement celles du national-bolchevisme allemand ou russe. La théorie de M. Bakounine (rappelons-nous qu’il était l’ami personnel de Prudhomme) contenait l’idée d’un nouveau type de révolutionnaire – ascétique, spartiate et presque surhumain – laquelle fut ensuite partagée et développée par G. Sorel, E. Niekisch et J. Thiriart.
     
    f) les "narodnikis" : des A.Herzen jusque à V.Tchernov
    Les « narodniki » (du mot russe « Narod » – « peuple ») et certains « socialistes-révolutionnaires » – les mouvements politiques de l’extrême gauche socialiste et parfois terroriste – se rapprochaient du courant RC par des aspects encore plus évidents.

    Les « narodniki » peuvent être considérés comme une forme paroxystique de la pensée slavophile, en combinaison avec la tendance à l’établissement de la « Justice sociale ». Ils sont apparus dans la vie idéologique russe au cours des années 1850-60. Les « narodniki » rejetaient la doctrine marxiste et ses constructions théoriques. Ils pensaient que le socialisme devait être concret, avec un « visage russe », enraciné et « traditionaliste ». Leur idée principale était la thèse que « le développement social par la voie capitaliste est le Mal Absolu » (N. Mikhaïlovsky, P. Lavrov, et surtout V. Voronzov et N. Danielson). Ils critiquaient la monarchie comme étant un masque du capitalisme, orienté contre le peuple et ses besoins spirituels, économiques et religieux. Parmi eux, la plupart étaient des chrétiens Orthodoxes. Ils exaltaient les « valeurs du sol ». Leurs organisations les plus célèbres étaient « La Terre et la Volonté » et « La Volonté du Peuple ». Depuis les pères du mouvement des « narodniki » – A. Gerzen et N. Tchernychevsky – jusqu’à la dernière génération – V. Tchernova et L. Chichko, on constate chez eux le thème permanent de la nécessité du développement social, économique et industriel en stricte conformité avec la particularité nationale du peuple et avec ses traditions. Les « narodniki » étaient attirés par le terrorisme individuel et par l’idéal d’un type de « révolutionnaire absolu », un « surhomme au service du peuple ». Certain d’entre eux sont « retournés au peuple » et professaient la conception des « petits actes » et de « la résistance pacifique ». La tendance des « narodniki » était partagée par le célèbre écrivain russe Léon Tolstoï.
     
     
     

    g) les socialistes-revolutionnaires


    Les socialistes-révolutionnaires (surtout ceux dits « de droite ») étaient des extrémistes et des terroristes anti-bourgeois et anti-monarchistes qui par contraste avec les bolcheviks, mettaient l’accent sur le rôle des paysans dans le mouvement révolutionnaire, et non pas sur celui des prolétaires. Ils suivaient le courant des « narodniki » – plus archaïques et plus patriarcaux qu’eux-mêmes – mais sans leur christianisme et sans leur renonciation à la lutte politique directe.
     

    h) les bolcheviks antisémites et les visionnaires patriotes-bolcheviks : S. Esenin, Kliuev etc.
    Même parmi les bolcheviks on peut trouver certains traits conservateurs-révolutionnaires – du  moins parmi les représentants ordinaires du mouvement communiste qui agissaient parfois comme les réactionnaires des « sotnia noires » – les pogroms antisémites des bolcheviks était une chose très répandue pendant les années 1904-1905 (la première révolution russe) et dans les années 1917-1920. La quantité de crimes commis contre les Juifs, surtout en Ukraine, par les soldats de l’Armée Rouge fut presque égale aux « pogroms » effectués par les « Blancs » et les bandes anarchistes. Parmi les bolcheviks on trouve des écrivains, des poètes et des philosophes avec une tendance nettement conservatrice-révolutionnaire – les romans de A. Platonov, la poésie de Sergueï Esenin et de Kliuev (mystiques nationalistes et patriotes), les écrits de V. Chlebnikov (visionnaire et poète eurasiste, mystique nationaliste, identitariste et futuriste), etc.

    Ce bref examen nous montre très clairement qu’on peut découvrir des aspects caractéristiques de la RC dans la plupart des tendances intellectuelles et politiques de la Russie de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et du début du XXe siècle. Il va de soi que l’étude approfondie de chacun de ces mouvements et des auteurs les plus caractéristiques reste à faire pour préciser encore l’histoire paradoxale et passionnante de la formation et de la genèse de la pensée conservatrice-révolutionnaire russe.
     
     

    3  La Revolution Conservatrice du baron Ungern-Sternberg


    La figure extraordinaire du « baron fou », Roman Fedorovitch Ungern-Sternberg rentre bien dans le cadre de la RC russe. Il était un eurasiste radical et pratique. Il a réalisé ses convictions politiques par une lutte héroïque et désespérée. Ungern-Sternberg n’était pas haï seulement par ses ennemis bolcheviks qu’il combattait dans les terres de Sibérie et de  Mongolie. Les Blancs eux-mêmes (par exemple l’amiral Koltchak) rejetaient le baron pour son extrémisme et sa négation absolue des valeurs humanistes. Ungern, qui fut pendant un certain temps le dictateur de la Mongolie, méprisait l’Occident comme une civilisation décadente qui avait perdu les valeurs de l’honneur, de l’héroïsme, les valeurs masculines et solaires. Il voulait créer une nouvelle chevalerie à partir des peuples asiatiques plus traditionnels et plus spirituels que les Européens, et avec cette chevalerie il voulait organiser la Croisade de l’Orient traditionnel contre l’Occident humaniste. Pour Ungern-Sternberg, le bolchevisme était la forme extrême de la dégénérescence de la civilisation, et avait révélé toute la fraude qui se cachait derrière les thèses encyclopédistes, humanistes et capitalistes. Il espérait que les peuples asiatiques se mobiliseraient devant la menace rouge et organiseraient l’opposition planétaire. On ne peut pas comprendre la logique de la vie et du combat de ce « dernier chevalier de l’Eurasie » en-dehors de l’optique idéologique de la Troisième Voie ou de la Révolution Conservatrice. Son cas fut une forme individuelle et paroxystique de la réalisation personnelle et héroïque du projet conservateur-révolutionnaire. Il est très caractéristique que la figure du baron Ungern-Sternberg ait attiré l’attention de Julius Evola et aussi celle de René Guénon.
     

    4 "Smena Vekh" et les Eurasistes
     
    a) les idéologies de l'émigration Blanche


    La RC russe proprement dite, dans le sens plus strict de ce terme, a vu le jour après la Révolution d’Octobre dans les milieux de l’émigration russe – évidemment « blanche ». Les tendances conservatrices-révolutionnaires en Russie bolcheviste n’avaient pas la possibilité de s’exprimer dans un langage direct dans le contexte de la dictature idéologique marxiste et internationaliste. Ces tendances existaient de facto et elles étaient même assez fortes, mais la réflexion tranquille et la formulation des principes de la RC russe était le privilège des émigrés et anciens ennemis des Rouges.

    On doit rappeler que la première émigration russe fut originellement composée de deux familles politiques assez différentes de « Blancs ». Il s’agissait des monarchistes convaincus, nostalgiques et archaïques (qui représentaient d’ailleurs une minorité politique), et des libéraux-démocrates de tous poils avec un certain nationalisme et une haine envers les communistes en tant que leurs rivaux politiques qui avaient gagné la bataille politique pour le pouvoir. Parmi les derniers se trouvaient les représentants de la social-démocratie non-bolchevik ou du moins non léniniste. Ceux deux pôles peuvent être définis comme la droite et la gauche classiques et ordinaires. Tous deux refusaient de reconnaître la Révolution d’Octobre comme quelque chose de durable et d’important, pensant qu’il s’agissait d’une révolte populaire et d’une crise passagère. Leur analyse des racines idéologiques du bolchevisme était superficielle et insuffisante. C’est dans la polémique entre ces deux tendances politico-idéologiques que la RC russe a commencé à se former et à définir ses positions idéologiques. Cela donna naissance à la Troisième Voie russe, cristallisée dans deux branches idéologiques importantes, les « smeno-vekhovtsy » et les « eurasistes ».
     

    b) "Vekhi” et “Smena Vekh” 


    Pour comprendre le concept idéologique du « Smena vekh » (le « changement d’orientation ») – c’était le nom du recueil d’articles paru en juillet 1921 à Prague et qualifié de manifeste des « nationaux-bolcheviks » russes – il faut rappeler brièvement l’histoire idéologique russe des premières décennies du XXe siècle.

    A l’aube de ce siècle, on pensait que pour être un philosophe « progressiste » et à la mode il était nécessaire d’être marxiste, internationaliste, gauchiste et « zapadnik » (« pro-occidental »). Mais la situation changea après l’échec de la première révolution russe (1905), avec l’apparition en 1909 du recueil des articles du groupe des intellectuels à la mode – évidemment marxistes, gauchistes et « zapadniki » – qui renia sa « maladie de jeunesse » et qui affirma son nouveau cours – nationaliste, patriarcal, traditionaliste, religieux et slavophile. Le recueil avait pour nom « Les orientations » – « Vekhi » en russe (parmi les auteurs les plus célèbres figuraient N. Berdiaev, S. Boulgakov, P. Strouve, S. Frank, etc.). C’était un moment où les intellectuels de droite, idéalistes et nationalistes devenaient à la mode. Mais cette tendance « Vekhi » ne peut pas être qualifiée de RC, malgré le fait qu’elle en avait indubitablement certains traits assez proches. « Vekhi » était une « orientation » des intellectuels de droite et non pas d’une Troisième Voie proprement dite. Dans ce contexte, le nom « Smena Vekh » – (littéralement, « le changement d’orientation ») chez les nationaux-bolcheviks « Blancs » signifiait la rupture avec la pensée conservatrice, utopique et idéaliste qui opérait avec des catégories trop vagues et trop abstraites (« l’universalité absolue du Bien absolu », « l’impératif moral de la création de l’Etat théocratique », etc.) et la transgression des catégories géopolitiques, géo-économiques, ethniques et sociales.

    Les nationaux-bolcheviks de « Smena Vekh », dont le chef était le professeur N.V. Ustryalov, accusèrent la droite et les libéraux-démocrates d’être des « rêveurs », des « utopistes » et des « traîtres au peuple russe et à l’histoire russe ». (Cf. N. Ustryalov, « Patriotica » dans « Smena Vekh », etc.). Ils voyaient dans le bolchevisme un soulèvement des énergies russes, populaires, traditionnelles, qui se révoltaient contre les tendances capitalistes contre-nature et contre la monarchie faible et inconsistante résolument incapable de préserver son peuple de la menace capitaliste qui détruisait son âme collective et impériale. Contre les libéraux de l’émigration, les nationaux-bolcheviks défendaient le totalitarisme socialiste et impérial qui était selon eux plus naturel pour les Russes que le libéralisme économique, l’inégalité matérielle et l’individualisme qui en découle. Contre la droite et surtout contre les antisémites ils affirmaient la thèse (Y. Kluchnikov, S. Lukianov, etc.) que la Révolution d’Octobre était russe malgré la participation gigantesque des Juifs et de représentants d’autres nations (Lettons, Tchèques etc.). En rejetant le marxisme comme une idéologie utopique et abstraite, les auteurs de « Smena Vekh » reconnaissait le caractère russe, racial, géopolitique et impérial du jeune Etat soviétique dans lequel ils voyaient la continuation légitime de l’Etat russe organique et naturel. Les nationaux-bolcheviks exaltaient aussi le type humain du révolutionnaire, voué à sa cause sans hésitation et avec une dévotion absolue, qui contrastait tellement avec la lutte indécise, timide et incertaine de l’Armée Blanche qui ne possédait aucune idée-force, aucune idéologie cohérente, aucune doctrine sérieuse, patriotique, sociale, économique et éthique. Les auteurs de « Smena Vekh » influencèrent beaucoup l’immigration et certains milieux en Russie soviétique elle-même. Les dirigeants communistes accueillirent très bien ce mouvement idéologique et le professeur Ustryalov retourna à Moscou en 1926. Staline critiquait un peu le « chauvinisme excessif » des nationaux-bolcheviks et seul le russophobe radical Boukharine les qualifiait de « césaristes sous un masque révolutionnaire ».

    Il n’est pas possible de ne pas poser ici la question : les nationaux-bolcheviks allemands – Otto Winnig, Arthur Mueller van den Bruck et surtout Ernst Niekisch – ont-ils connu les idées de « Smena Vekh » ? Cette question est extrêmement importante parce que les thèses des nationaux-bolcheviks allemands semblent presque identiques sous tous rapports aux thèses de « Smena Vekh » et des nationaux-bolcheviks russes. On doit aussi se rendre compte que les nationaux-bolcheviks russes sont passés par l’expérience traumatique de la guerre civile contre les bolcheviks et que leur « changement d’orientation » était un choix lourd et difficile. Peut-être, en se basant sur l’expérience des « smeno-vekhovtsy » de Prague, les nationaux-bolcheviks allemands en retirèrent-ils la certitude inébranlable du caractère russe de la Révolution d’Octobre et de l’Etat soviétique. Mais cela reste une hypothèse que je ne puis ni prouver, ni rejeter sans information suffisante et sans documentation historique.
     

    c) les Eurasistes 
    Parmi toutes les formes de la RC russe, l’école des eurasistes reste la plus conservatrice-révolutionnaire, jusqu’à un point tel qu’on pourrait identifier la RC russe avec le mouvement eurasiste. Comme dans le cas de l’Allemagne, où les jeunes conservateurs, les nationaux-révolutionnaires et les nationaux-bolcheviks des années 1920-30 donnèrent le paradigme le plus complet et le plus achevé de l’idéologie de la RC en général, à partir de laquelle on pourrait dorénavant définir les précédents rétrospectifs ou les idéologies plus ou moins proches, on peut dire la même choses des eurasistes russes qui étaient les représentants les plus purs de la RC russe, au sens historique comme au sens idéologique. Il est possible, à mon avis, de considérer les termes de « Révolution Conservatrice » et de « doctrine eurasiste » comme des conceptions synonymiques (du moins il est ainsi dans le contexte russe).

    Le cas des eurasistes est un peu plus connu que celui des « smeno-vekhovtsy ». Ici on peut établir un lien indubitable entre leurs idées et le milieu conservateur-révolutionnaire, surtout en ce qui concerne l’école géopolitique de Karl Haushofer. (L’une des revues des eurasistes, « La chronique Eurasienne », était éditée à Berlin). Nous retrouvons l’analyse de la pensée des eurasistes dans les premiers numéros de la célèbre revue de Haushofer « Zeitschrift für Geopolitik ». En dehors de cela, plusieurs eurasistes collaboraient avec les conservateurs-révolutionnaires allemands et certains entrèrent même dans la SS sous le régime national-socialiste. L’influence réciproque et profonde entre les eurasistes russes et les représentants de la RC allemande est donc hors de doute.

    Le mouvement eurasiste commença la même année que le mouvement des « smeno-vekhovtsys » - 1921. Cette année-là, le groupe des émigrés Blancs publia à Sofia le recueil d’articles « Exode vers Orient » avec le sous-titre « Le Manifeste des Eurasistes ». Ce fut le point de départ du développement de toute l’idéologie de la Troisième Voie russe, d’une manière bien fondée, profonde et achevée. Il est très caractéristique que les émigrés libéraux les baptisèrent « les fascistes », les monarchistes et la droite – « les communistes », mais l’épithète la plus courante était « les slavophiles futuristes ». Après « Exode vers l’Orient » parurent les revues « Evrasiysky vremennik » et « Evraziyskaya chronika », éditée à Berlin, Paris et Prague.

    L’essence de la conception des eurasistes dans ses traits généraux était la suivante:

    1) Suivant la thèse de Mackinder, ils pensaient que le développement économique et culturel de la nation est défini par les limites géopolitique et par la qualité de l’espace contrôlé. Ils parlaient selon les termes des « grands espaces ». Mais ils ont insistaient sur la nécessité de l’autarcie geo-économique du continent eurasien par rapport aux puissances maritimes. Donc pour les eurasistes tout le problème économique, culturel, militaire, stratégique et même psychologique devait être considéré uniquement et avant tout dans une perspective continentale. Ils proposaient une thèse radicalement différente de celle du comte Coudenove-Kalergi qui voulait unifier l’Europe contre l’Asie. L’idée des eurasistes était d’unifier le continent eurasiatique contre l’Occident, contre les puissances thalassocratiques et porteuses de la culture matérialiste, libérale et non-organique.

    2) La question de la Révolution d’Octobre, de ses racines et de son sens était pour les eurasistes d’une importance fondamentale. Ils n’acceptèrent pas la Révolution à l’exception de certains cas personnels, et malgré l’accord idéologique conclu avec les nationaux-bolcheviks de « Smena Vekh ». Mais ils voyaient les racines principales de la tragédie russe, de la « chute russe de l’Europe » (selon l’expression du chef de cette école, le comte N. Trubetskoy) dans la structure non-organique de la Russie « européanisée et capitalisée » après les réformes de Pierre le Grand. Ils remettaient en question la qualité des valeurs religieuses, étatiques, nationales, économiques et sociales de la Russie des trois derniers siècles, en accusant la dynastie des Romanov d’avoir trahi les espoirs mystiques et sociaux du peuple russe (eurasiatique) et surtout sa civilisation unique, extrêmement riche au niveau spirituel et destinée à conserver son identité devant l’Occident matérialiste, athée, artificiel et capitaliste. Cette attitude entraînait une appréciation ambivalente de la Révolution d’Octobre: d’un coté les eurasistes voyaient en elle la révolte anti-capitaliste de l’âme russe, venue des profondeurs de la civilisation eurasiatique, d’un autre coté ils reconnaissaient le fait que l’utopisme marxiste et communiste était une fraude idéologique qui avait proposé au peuple, et repoussaient d’une manière instinctive le modèle capitaliste et occidental de développement, un autre modèle tout aussi occidental et tout aussi anti-national et anti-traditionnel. Les eurasistes voyaient très clairement les aspects « nationalistes » et « identitaristes » de la Révolution d’Octobre, mais ils refusaient d’accepter le communisme pour des raisons patriotiques. Malgré cela la droite « blanche » les accusait d’être communistes, surtout pour la raison que les eurasistes refusaient toujours de voir dans les Juifs les « boucs émissaires » de la Révolution et de regarder la monarchie pré-révolutionnaire comme un modèle idéal et irréprochable. Un slogan des eurasistes était « ni Blancs, ni Rouges » (I. Stepanov).

    3) La doctrine des eurasistes soulignait l’importance de l’économie ou plutôt de la géo-économie. C’était l’unique mouvement alternatif (par rapport au communisme) qui s’occupait très sérieusement des questions économiques et qui proposait le modèle de l’autarcie continentale (« l’autarcie des grands espaces »), non-capitaliste et non-marxiste. Les eurasistes ont élaboré le modèle d’exploitation des ressources naturelles de la Russie qui pourrait être suffisant pour soutenir l’économie tellurocratique à l’échelle continentale.

    4) Dans les questions religieuses, les eurasistes étaient partisans d’une « révolution conservatrice » au sein de l’Eglise Orthodoxe qu’ils voulaient purifier de l’humanisme et du moralisme occidentaux décadents et de l’archaïsme et des superstitions du petit peuple. Ils rejetaient les spéculations abstraites et fantaisistes des intellectuels « académiques » comme S. Soloviev, S. Boulgakov, P. Florensky et en revanche proposaient le retour à la théologie byzantine stricte mais intériorisée et en cela créative. Ce n’est pas par hasard que le théologien chrétien orthodoxe russe le plus profond et le plus brillant des derniers siècles – le Père George Florovsky – participait au mouvement eurasiste et était même l’un de ses inspirateurs (avec le comte Trubetskoy). Notons à ce propos que cet excellent auteur, presque unique représentant fiable du traditionalisme orthodoxe russe, reste ignoré en Occident, ce qui est une injustice impardonnable et inexplicable.

    5) La question ethnique était résolue par les eurasistes d’une manière très intéressante. Ils remirent en question la vérité jusqu’ici indiscutée dans le courant slavophile concernant la nocivité de l’invasion des Tartares et de la domination des Mongols sur la Russie. Les eurasistes reconnurent la mission tellurocratique de l’expansion géopolitique des peuples turcs et mongols. Ghengis Khan était pour eux « le premier des eurasistes » et les Turcs étaient considérés comme une ethnie, ou plutôt une race eurasiatique jeune et pleine de puissance créative et impériale. Mais c’était en combinaison avec le génie slave (donc indo-européen, aryen) que la race turque avait réussi à établir un équilibre eurasiatique. Les Russes, pour les eurasistes, représentaient une race slavo-turque particulière, douée de deux qualités principales – l’énergie de l’expansion sur les grands espaces, propre aux Turcs (« horizontale ») et l’énergie de la concentration métaphysique et « verticale », propre aux Slaves. Cette synthèse raciale était pour les eurasistes la clé de l’histoire culturelle de la Russie. La race de l’Europe était vue par eux comme une race vieille, impotente et ayant la conscience géopolitique des populations des « rimlands », donc incapable des efforts supérieurs nécessaires pour organiser l’Empire, le « grand espace autonome ».

    6) Au niveau politique les eurasistes proposaient un système d’Etat centralisé poly-ethnique de type impérial. Certains d’entre eux étaient pour une monarchie re-sacralisée et revenue à ses sources mystiques, les autres (G. Vernadsky, N. Alexeev, etc.) partageaient la thèse du « socialisme eurasiatique ». Le comte N. Trubetskoy élabora la théorie de « l’idéocratie », donc du pouvoir politique concentré entre les mains de l’élite traditionnelle, intellectuelle et religieuse, placée à la tête du « parti eurasiste », une sorte d’Ordre.

    Le mouvement eurasiste s’épanouit de 1921 aux années 30, après quoi l’impossibilité d’influencer la vie politique de l’émigration russe, et pour des raisons encore plus fortes celle de la Russie Soviétique, fit naître parmi les eurasistes un sentiment de désespoir. Certains allèrent jusqu’à collaborer avec le KGB par nostalgie, et par haine pour les pays démocratiques où ils étaient obligés de vivre (P. Savizky). Les autres – comme le père G. Florovsky et le comte N. Trubetskoy lui-même – s’enfermèrent dans des recherches religieuses et historiques. D’autres encore rejoignirent le mouvement national-socialiste allemand avec certains aristocrates russes de l’extrême-droite – comme le général Biskupsky, Avalov-Bermont, Talberg, von der Golz, Skoropadsky, Schwarz-Bostunich et d’autres représentants du groupe ultra-monarchiste et aristocratique du « Baltikum » (appelé plus tard « Organisation Consul »).

    Les eurasistes ont élaboré la base de la doctrine de la RC russe, mais ils sont tombés dans l’oubli parce que leur patrie fut prise dans la tenaille idéologique de l’utopisme marxiste et parce que les intellectuels d’Europe ne montrèrent aucun intérêt pour la pensée des émigrés de la Russie lointaine et barbare ainsi que pour tous leurs espoirs messianiques et eschatologiques et tous leurs rêves de revanche asiatique.

    Quoiqu’il en soit, le mouvement eurasiste, ses prévisions et ses doctrines sont à découvrir, et elles retrouvent leur actualité au moment où on commence à chercher partout dans le monde une Nouvelle Voie de développement planétaire géopolitique et culturel.
     
     

    5 La mission eurasiste et la Russie Sovietique : Staline et Brejnev


    L’idée eurasiste, intellectuellement et politiquement marginale, fut néanmoins partiellement réalisée sous le régime communiste et surtout à partir de l’époque du stalinisme. Les eurasistes eux-mêmes, en particulier George Vernadsky (l’auteur de la célèbre « Histoire de la Russie », traduite dans plusieurs langues européennes), virent dans l’impérialisme stalinien une forme du développement naturel de l’Etat russe, accompagné de l’industrialisation, de la centralisation et de l’expansion nécessaires pour l’entrée de la Russie dans une nouvelle phase de l’avenir géopolitique et géo-économique. Dès la seconde moitié des années 30 et surtout après 1937, le régime stalinien retrouva beaucoup des aspects nationaux, patriotiques et impérialistes qui manquaient dans la période post-révolutionnaire. Staline annihila tous les représentants de l’orthodoxie marxiste-léniniste, internationaliste et utopiste (des Juifs pour la plupart). L’anarchisme et l’amoralisme révolutionnaires furent résolument remplacés par la primauté de l’ordre et de la morale créative et ascétique. Ce n’est pas par hasard que même le chef des « fascistes russes » de Harbin, Rodzaevsky, finit par reconnaître la mission « fasciste » (de facto) de Staline, en tant que « Volksführer » russe.

    Un autre pas dans le sens conservateur-révolutionnaire fut fait, selon certains historiens russes (comme A. Dikiy, etc.), juste après la fin de la deuxième guerre mondiale. On parle même parfois de la « révolution invisible du maréchal Joukov »). Les militaires russes reçurent certaines énergies géopolitiques et idéologiques de leurs ennemis et la guerre, elle aussi,  réveilla les forces intérieures du nationalisme et une conscience plus claire des intérêts continentaux. L’esthétique même des années 40 dans l’URSS – nationaliste, russophile, parfois même chauviniste et xénophobe – était beaucoup plus proche du style du Troisième Reich que des formes avant-gardistes, internationalistes et « prolétaires » des années 20. Pendant l’époque du stalinisme, c’était plutôt les thèmes étatistes, impérialistes, nationalistes et anti-bourgeois qui étaient dominants et non pas la scolastique abstraite des marxistes purs. Mais le nationalisme soviétique de Staline n’était pas russe au sens ethnique, il était plutôt « impérial », eurasiatique, continental, ce qui faisait de lui un modèle assez proche de celui que les eurasistes eux-mêmes proposaient. Vers la fin des années 40, Staline arrêta la propagande anti-chrétienne agressive et il manifesta aux pères de l’Eglise Orthodoxe Russe sinon une sympathie ouverte, du moins de la tolérance et de la compréhension. L’organisation des « athées militants » (sous le patronage d’un Juif néfaste, Emelyan Yaroslavsky, alias Gubelman) fut dissoute et son chef fut envoyé au Goulag. Les tendances conservatrices-révolutionnaires s’arrêtèrent avec la mort de Staline, au moment où son impérialisme, son eurasisme et son antisémitisme arrivaient à leur apogée (il était en train d’envoyer tous les Juifs dans la République Autonome Juive du Birobidjan dans l’extrême est de la Sibérie, pour réaliser un apartheid des Juifs plus radical que celui qu’Hitler voulut faire). On ne peut pas ne pas reconnaître que les tendances indiquées ci-dessus sont très peu compatibles avec la théorie marxiste dans son état virginal ainsi qu’avec le pathos révolutionnaire de 1917 et des années 20.

    Khrouchtchev ébranla la construction gigantesque de Staline par la dénonciation du « culte de la personnalité » qui jetait l’ombre et le doute sur toute son œuvre historique. Sous Khrouchtchev la tendance du retour au « marxisme perverti par stalinisme » commença dans les milieux de l’intelligentsia soviétique. Khrouchtchev renouvela les attaques contre l’Eglise, réanima l’esprit internationaliste. Les tendances eurasistes à son époque furent les plus faibles de toute l’histoire soviétique. Il fut beaucoup plus intéressé par la géopolitique « océanique » – Cuba, l’Amérique Latine, l’Afrique étaient au centre de l’attention de l’Etat khrouchtchévien C’est pendant le règne de Khrouchtchev que le premier noyau de la dissidence pro-occidentale et presque entièrement « atlantiste » se forma.
     

    Brejnev retourna au modèle stalinien (donc virtuellement eurasiste), mais sous une forme sénile, ritualisée et entropique. La participation de l’URSS brejnévienne à des conflits eurasiatiques (Vietnam, Proche Orient, etc.) et surtout la guerre continentale en Afghanistan furent les signes parlants de sa conscience géopolitique. Le marxisme de l’époque brejnévienne était complètement « ritualiste », « nominal » et extrêmement superficiel. On pouvait très clairement distinguer derrière le brejnévisme l’inertie idéologique et géopolitique du « stalinisme eurasiatique ».

    Les éléments qu’on pourrait qualifier à la rigueur d’« eurasistes » et donc dans un certain sens de « conservateurs-révolutionnaires » existèrent toujours dans l’histoire soviétique, depuis la Révolution d’Octobre jusqu’à la perestroïka, mais l’époque de Staline est plus caractéristique et plus riche de ses traits évidents que toutes les autres périodes. Il faut quand même toujours se rendre compte qu’il s’agissait de phénomènes factuels qui n’ont trouvé aucune  cristallisation intellectuelle, idéologique ou philosophique. Les grandes révolutions géopolitiques et même idéologiques qui se produisaient derrière les coulisses du Kremlin se manifestaient à l’extérieur par des nuances infinitésimales, par l’accent placé sur tel ou tel événement historique ou telle ou telle hypothèse scientifique. La « kremlinologie » était une véritable science conspirologique basée sur des détails et des symptômes presque invisibles. Pour cette raison, on ne peut reconstituer l’histoire du développement des tendances « conservatrices-révolutionnaires » en URSS que par l’étude complexe et difficile de la vie idéologique secrète des chefs du dernier Empire Eurasiatique qu’était l’URSS jusqu’aux  transformations récentes. On ne peut donc parler ici que de tendances « conservatrices-révolutionnaires » factuelles sans aucune formulation théorique. Mais quoiqu’il en soit, ces tendances étaient très réelles et très importantes, parce qu’il s’agissait de l’idéologie (parallèle) de groupes de dirigeants soviétiques dont le pouvoir politique était presque absolu à l’intérieur du pays et extrêmement grand à l’extérieur.

    On peut ajouter que les doctrines stratégiques militaires de l’URSS furent toujours eurasistes par leur caractère, parce que l’ennemi idéologique principal des Soviets était les Etats Unis, donc une puissance thalassocratique et océanique par excellence. Le pacte de Varsovie lui- même avait des traits nettement continentaux et eurasistes, par contraste avec l’OTAN centré sur des puissances maritimes – Etats-Unis et Angleterre. Plus que cela, ce sont les pays anglo-saxons qui sont les exemples du capitalisme le plus pur et le plus fort, et c’est précisément contre le capitalisme qu’étaient orientées toutes les formes de la Révolution Conservatrice, et la RC russe ne fait pas exception.
     
     

    6   Le mouvement néo-eurasiste: les écrivains "neo-potchvenniki", L.Gumelev


    Vers les années 70 en URSS, certains aspects de la RC se manifestèrent d’une manière plus ouverte, quoique toujours voilée. C’était l’époque de la formation de la nouvelle génération des écrivains soviétiques qui gravitait autour de M. Cholokhov, l’auteur du célèbre roman « Le Don paisible ». Ces écrivains – dont les plus connus sont V. Raspoutine, V. Biélov, V. Astafiev, etc. – défendaient des thèses nationalistes, écologiques et slavophiles. Ils chantaient la paysannerie russe, ses coutumes, ses croyances. Leurs écrits avaient aussi un caractère écologiste évident. Leur idéologie peut être approximativement qualifiée de national-bolchevisme ou de national-léninisme, mais il faut voir en cela un trait de leur conformisme plutôt qu’une déclaration de convictions idéologiques réfléchies (aujourd’hui qu’on peut s’exprimer plus librement, la plupart d’entre eux sont devenus des monarchistes, des chrétiens orthodoxes et des gens de la droite conventionnelle – ce qui témoigne que leur national-bolchevisme était un masque conformiste et rien de plus). Les cas où les écrivains « néo-potchvenniki » étaient vraiment conscients de leur parenté idéologique avec les eurasistes ou les « smeno-vekhovtsy » étaient assez rares, mais leurs idées étaient néanmoins très semblables.
    Les « néo-potchvenniki » des années 70-80 ont créé un milieu intellectuel patriotique, nationaliste et objectivement eurasiste, qui s’est manifesté pleinement dans une certaine renaissance nationaliste à l’époque de la perestroïka comme une tendance alternative au courant occidentaliste, « atlantiste » et nettement capitaliste du lobby démocratique – Gorbatchev, Yakovlev, Yeltsine, Chevarnadzé, etc. Mais on doit ici constater un détail idéologique extrêmement important : les conceptions des écrivains « néo-potchvenniki » à l’époque de Brejnev étaient formellement beaucoup plus proches de l’esprit et de la terminologie de la RC que les thèses proposées aujourd’hui par les mêmes personnes et par leurs disciples. Sous Brejnev, les « néo-potchvenniki » étaient obligés pour des raisons de conformisme d’ajouter les thèmes de socialisme, d’anti-capitalisme, de léninisme, etc., à leurs idées nationalistes et identitaristes (parfois ouvertement anti-juives). Leurs thèses avaient donc un caractère « tercériste » malgré eux. Quand cette nécessité a disparu, les « néo-potchvenniki » ont abandonné le coté « socialiste » et « anti-capitaliste » de leurs doctrines et se sont convertis en représentants traditionnels de la droite ordinaire, archaïque, monarchiste, judéophobe et nostalgique. Le pathos de la RC et de l’eurasisme est donc devenu trouble chez eux.

    Comme seul eurasiste conséquent et conscient parmi les auteurs soviétiques des années 70-80, on doit nommer l’historien Lev Gumelev, fils du poète aristocrate N. Gumelev, fusillé par les Rouges, et d’une poétesse célèbre, Anna Achmatova. L. Gumelev a écrit quelques ouvrages historiques brillants sur l’histoire des peuples eurasiatiques – Turcs, Mongols, Huns, etc. Son œuvre capitale – « L’ethnogenèse et la biosphère » – était placée à l’époque de Brejnev dans le secteur fermé de la Bibliothèque des Sciences sociales de Moscou parce qu’il était jugé « idéologiquement dangereux ». Dans ce livre, l’auteur a développé la doctrine organique de l’ethnogenèse et il a formulé la conception de « l’inégalité dynamique des ethnies », en dégageant les lois cycliques qui gouvernent l’existence historique et biologique de chaque ethnie. L. Gumelev défendait la thèse que les peuples eurasiatiques – en particulier les Russes et les Turcs – étaient des peuples jeunes dont le cycle venait de s’ouvrir. Par cela, Gumelev affirme que la civilisation la plus normale et la plus saine aujourd’hui serait une civilisation eurasiatique de type impérial. Gumelev créa un terme spécial pour désigner le facteur le plus important et le plus organique du développement de l’ethnie – la « passionarité » –  entendu comme la concentration de l’énergie créative, biologique et psychologique à la fois, qui pourrait caractériser des peuples entiers aussi bien que des individus séparés. La « passionarité », au niveau humain, est selon L. Gumelev la « capacité à transcender l’instinct de survie », le « dépassement de l’entropie biologique », « l’élan créatif » (surtout impérial). Les thèses de L. Gumelev ont beaucoup en commun avec les conceptions de K. Lorenz, de H.F.K. Günther, de Gobineau, des géopoliticiens de l’école de Haushofer et surtout avec les idées de la Nouvelle Droite française. Son attitude envers l’histoire est essentiellement païenne. Sa conception des « ethnies-chimères » – c’est-à-dire les très anciennes ethnies dégénérées qui ont complètement perdu leur « passionarité » – est connue partout en Russie. Certains antisémites ont élaboré à partir de cette conception des « ethnie-chimères » toute une théorie judéophobe, mais c’est plutôt une déviation et une limitation excessive de sa pensée. Gumelev, ayant toujours été un auteur non-conformiste, fut peu touché par la perestroïka, et sous beaucoup d’aspects ses thèses eurasistes, biologico-réalistes et conservatrices-révolutionnaires restent toujours les mêmes. Malgré son âge très avancé, il continue ses travaux encore aujourd’hui.

    Finalement, certains communistes hier de stricte observance qui n’ont pas changé leurs opinions idéologiques – par contraste avec la majorité des ex-communistes devenus démocrates, « atlantistes » et « pro-capitalistes » par néo-conformisme –, opposés à l’adoration du marché libre et à la glorification du modèle américain, et qui forment aujourd’hui une sorte d’opposition de droite (étatiste et nationaliste), ont commencé avec la perestroïka à réviser les fondements de leur doctrine communiste formelle et plusieurs d’entre eux ont découvert la pensée conservatrice-révolutionnaire – celle des eurasistes et des « smeno-vekhovtsy » – en reconnaissant là le réel continu idéologique de leur patriotisme soviétique et de leur nationalisme anti-capitaliste. Ceux-là représentent la cristallisation intellectuelle des tendances de la RC qui ont toujours existé sous le soviétisme, dans un état virtuel, latent et semi-conscient. Par une logique étrange, dans la politique intérieure et extérieure soviétique cette prise de conscience s’accompagne de la disparition des derniers restes anti-capitalistes et anti-atlantistes, donc eurasistes et typologiquement conservateurs-révolutionnaires.
     
     

    7   Conclusion
    La pensée conservatrice-révolutionnaire est redécouverte aujourd’hui en Allemagne, où elle devient extrêmement actuelle grâce aux changements grandioses qui se réalisent dans ce pays qui est d’ailleurs naturellement conservateur-révolutionnaire, comme l’est la Russie. La France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, l’Europe tout court, retrouvent grâce aux efforts immenses des intellectuels de la Nouvelle Droite cette part inappréciable de leur héritage idéologique de grande valeur. Plus, les idées de la RC sont aujourd’hui la seule alternative au cauchemar capitaliste et à l’expansion « atlantiste » américaine. Le slogan « ni communisme, ni capitalisme » perd son sens avec la disparition du communisme (existait-il vraiment ?). C’est la RC dans toutes ses formes qui reste la seule possibilité opérative et réaliste à affirmer contre l’invasion venant de l’autre continent – physique et idéologique. La RC devient la Deuxième Voie, la seule Voie Alternative. Il est donc temps de découvrir toutes les branches de la RC, de les étudier, de les repenser, de les réactualiser et de les revivre. Dans ce contexte nous avons besoin de tourner nos regards vers le Continent-Russie, vers cette terre énigmatique qui occupe la place centrale de cet île gigantesque qu’est l’Eurasie, notre Patrie universelle, notre terre bénie, notre héritage impérial le plus précieux. Cette fois, nous devons tous ensemble – en y incluant même les Russes – découvrir non pas le continent lointain, la colonie maritime, le désert spirituel qu’est l’Amérique, mais le berceau des peuples indo-européens, nos ancêtres, les grands créateurs des valeurs héroïques et surhumaines – le  Continent-Russie. Cette découverte devrait être avant tout une découverte spirituelle, intellectuelle, idéologique – celle des valeurs russes, celles de la Voie Russe, celle de l’Idéologie Russe, qui ne peuvent être rien d’autre que l’Idéologie de la Révolution Conservatrice Absolue.
    Version française corrigée par Franz Destrebecq
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